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Mercy isn't in the recipe FT Alexandra Zimmer

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4B53NC3 - Have you ever considered piracy ? PS : J'ai les mollets concaves. CONCAVES !
Dana Campbell
Dana Campbell
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Sam 11 Nov - 20:22 (#)


21 décembre 2021

«  Alors… euh… » 

Oh oui, ça allait commencer comme ça. 

« Ça t’arrive souvent de tuer des gens ? Tu es une mercenaire ou tu travailles avec une organisation secrète ?» 

Oh bordel, est-ce qu’elle allait crever en demandant ce genre de question ?

Peut-être.
Peut-être pas. 

Parce que nettement, c’était la seule explication logique. C’était préférable, pour son cerveau, d’écarter l’option « tueuse en série ». Puis, forcément, elle fréquentait aussi des personnalités qui semblaient avoir une certaine facilité à tuer des gens. Questions de valeurs, ou de protection, de force majeure ou de nécessité. Le meurtre et la mort n’étaient jamais bien loin de Dana, au final. 

Elle avait elle-même tiré sur un type anonyme pour protéger Ian, dans l’intention de le tuer à ce moment-là. Grand bien lui fasse, cet hôte avait laissé une balle au travers de son épaule. Une charmante cicatrice étoilée restait comme seule marque de cette jadis réalité. 

Dana n’était pas pour autant une meurtrière. 
C’est ce qu’elle aimait croire, en tout cas. 

Sa voix lui avait paru beaucoup moins assurée qu’elle ne l’aurait souhaité. La question avait pourtant plané pendant quelque temps dans ses pensées. Ce courriel anonyme voulait l’atteindre dans ses profondes blessures et pourtant, voir que ses amis menaient des doubles vies, ou avait des secrets, ne l’avait pas autant choquée qu’escompté. 
De toute façon, la suite de cet échange anonyme avait vite fait de faire disparaître l’amertume et cet incroyable sentiment de solitude. Ils avaient capté son attention maladroitement, mais la suite n’avait rien d’anodin. 

Puis, ce n’est pas comme si elles avaient échangé beaucoup de paroles décentes depuis qu’Alex avait frappé à la porte de son appartement un peu plus tôt. 

Il était quelle heure maintenant ? 

2 h 34 am.

Décidément, Alexandra Zimmer était un bon coup. Intelligente, geek à ses heures, dort peu la nuit, douée et minutieuse de ses mains ; sa voisine s’était révélée être un ajout intéressant dans son quotidien. Leur relation était comme toutes les autres relations qu’elle entretenait : Flou. Indescriptible. Palpitante. Sans obligation. Le type de lien qu’elle pouvait entretenir sans trop de dommage.

La capacité au meurtre n’était pas encore ajoutée dans la liste «Green flag pour survivre à Dana Campbell », mais elle était prête à ne pas écarter cette possibilité.

Elle l'avait fait pour d'autres. 

Bref, un texto plus tard et beaucoup de vêtement en moins, il y eut plus d’échange de soupirs, de plaisir et de salive que de phrases complètes dans la dernière demi-heure. Elles avaient eu de la difficulté à rejoindre le canapé plus confortable tant ces dernières minutes reflétaient un manque flagrant et partagé qui brûlait toute logique sur son passage. Leurs vêtements au sol marquaient le parcours des amantes, de l’entrée au salon. 

Dana portait maintenant uniquement un de ses hoodies noir d’une dimension exagérée, aux trop longues manches et au capuchon énorme remonté sur son crâne. C’était son habit préféré en hiver. Habituellement, personne n’en était témoin et elle ne ressentait jamais le besoin de plus se couvrir, considérant cette tendance à être seule la plupart du temps. Alex s’était recouverte d’un de ces larges t-shirts au slogan évocateurs et fumait une cigarette, assise tout près de la fenêtre du salon légèrement entrouverte. La fumée s’échappait vers l’extérieur et un filet d’air froid agréable s’infiltrait à l’intérieur. Après leurs ébats, le tout était le bienvenu. 

Même la bière froide qu’elle avait tendue à sa voisine à moitié habillée et celle dont elle avait avalé une grande rasade après sa question qui lui allait peut-être lui valoir une claque. 

Ou la mort. 

Dans tous les cas, qui ne risque rien n’a rien. 
N’est-ce pas ? 

«OK ! Ça a l’air vraiment pas net comme histoire, mais j’ai vu une vidéo de toi, avec deux autres meufs, enfin, je crois, puis un type et c’est flagrant que le type en question est décédé. Par tes soins. C’est fréquent ou… exceptionnel ? Les meufs ? C’est tes employeuses ? » 

Se cacher derrière sa bouteille de bière, au creux de son canapé, avec la plus délicieuse des vues sur son invitée n’aidait absolument pas à ne pas s’enfoncer plus creux dans ce troue de bêtises qu’elle verbalisait. Parfois, c’était mieux que ça reste dans son cerveau. 

À voix haute, ça n’avait pas le même impact. 

Dans tous les cas, ses questions étaient dénuées de jugement ou de crainte (ou presque, y’a toujours un risque, mais aux dernières nouvelles, Alex ne cachait pas d’armes sur elle en ce moment. Ça, elle en était certaine.) mais était plutôt teinté d’une fascination et d’une curiosité palpable. Elle ne pouvait pas dire qu’elle la connaissait bien. Les 4 mois passés depuis leur première rencontre se résumaient en baise, blague salace, excès de boissons, jouer à la console, visites au ArtSpace (pour recevoir sa carte de membre spéciale, n’est-ce pas?) et petit boulot d’électricité pour son compte, dans le cybercafé. 

Dana aimait bien ce rôle d’amante-patronne-voisine.

Elle espérait que c’était le cas aussi pour Alexandra, qu’elle hésite un instant à la tuer.

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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
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En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
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Pseudo : Achab
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Ven 17 Nov - 22:38 (#)

Mercy isn't in the recipe

Les vapeurs de tabac se mêlaient au vent nocturne, composé des milliers d’odeurs urbaines qui remontaient depuis les étendues de béton désertes au pied de l’immeuble. Dans l’interstice de la fenêtre entrebâillée, se faufilaient les bruits lointains de Mansfield ; la clameur étouffée des voitures tardives, avec l’occasionnel crissements de pneus, et un filet de musique populaire montant d’on ne sait où. Derrière moi, l’atmosphère douillette de l’appartement de Dana créait un contraste saisissant avec la brise froide, acre, et constante qui se faufilait sous mon vêtement et contre mes jambes exposées, recouvertes d’une pellicule de sueur. La majorité de la fumée de cigarette me revenait en plein sur le nez, imbibant ensuite mes cheveux en bataille, avant de se perdre parmi les parfums de transpiration, de café et d’agrumes qui peuplaient l’appartement.

L’endroit m’incitait à la rêverie. Au contraire des miens, ces murs ne renfermaient ni souvenirs douloureux, ni cicatrices démentes, et l’aspect vierge de cette toile de plâtre me rendait apathique. Le silence ici, sonnait différemment. Peut-être était-ce simplement dû à l’absence de conversation, dans ces lieux où les soupirs servaient de syllabes, et les baisers, de conjugaisons à deux. Depuis, lorsque je m’étais avachie sur la chaise retournée, les coudes sur le dossier, je contemplais l’horizon de Shreveport piqueté de lumières électriques, et oubliait momentanément le crime que ces mains, celles-là même tenant une clope, avaient commises il y a dix jours. De cette hauteur, j’oubliais presque que la ville brûlait, et que j’étais responsable de l’incendie.

Cet appartement était mon antichambre de la normalité. J’y passais de temps à autre, jamais de jour, pour y retrouver le meilleur café de la ville, et une bulle d’apaisement, de plaisir et de rires, que je ne trouvais nulle part ailleurs. Loin de Joō. Loin de Père. Loin de moi. Nous nous retrouvions, Dana et moi, dans cette relation simple et bizarre, où les questions et les obligations n’avaient pas leur place ; seuls les envies s’exprimaient. Ces simples besoins de discuter, de bricoler, de jouer, de jouir, de rire, de boire, de manger ; je n’avais alors jamais ressenti la nécessité de cadrer cette relation dans les normes humaines. Je m’en fichais, à vrai dire. Ces soirées nocturnes me convenaient, tout comme l’absence de conformité sociale.

Cela fonctionnait. Pour le moment. Jusqu’à cette question, énoncée d’un ton précipité et maladroit par celle qui s’était assise sur le canapé à deux mètres de moi, cachée derrière sa bouteille de bière. Elle m’a prise de court. J’ai tourné vivement la tête vers Dana, qui m’observait à son tour d’un air mal à l’aise, pendant que la brise nocturne faisait grésiller le cercle incandescent de ma cigarette. J’étais quasiment dans le noir. La pièce ne comportait qu’une lumière tamisée et ténue, et seule la clope colorait mes traits, mes cheveux, et mon t-shirt avec le slogan « Satan is my daddy », d’un halo doré mouvant au rythme de mon souffle. J’ai laissé un silence incertain s’enraciner entre nous. Quelques secondes à l’observer fixement, à encaisser la question.

J’ai soupiré, un fin sourire amer naissant au coin de ma bouche. « Ah, le meurtre. Mon sujet de discussion post-coïtale favori. »

Je me suis détournée vers la fenêtre, une foule de questions se bousculant dans mon crâne. D’où sortait-elle l’information ? Parlait-elle de la même vidéo avec laquelle Joō m’avait retrouvée ? Avait-elle été diffusée sur internet ? Je sentis une vague d’urgence renverser toute la frêle sérénité que les nuits avec Dana avaient bâti, et avec elle, une foule d’intentions discordantes : mentir, s’enfuir, se cacher, détruire. J’ai épluché mes options. Lui mentir ne mènerait à rien : Dana n’était pas stupide, et je n’avais jamais vu cette vidéo. Il m’était difficile de savoir à quel point j’étais identifiable, et demander à la voir n’en serait que plus suspect.

J’ai hésité trois bonnes minutes. La normalité me fuyait aussi sûrement que la fumée de tabac s’échappait par la fenêtre ouverte. « Ta question est tellement bizarre et précise, je suppose que ça sert à rien de nier. »

J’ai soufflé lourdement la fumée, lasse, mes mains triturant machinalement le dossier de la chaise. « OK. La rousse, c’est une amie. La blonde, son amie, j’connais même pas son nom. Elle s’était habillée d’une façon… Qui laissait pas beaucoup de place à l’imagination. Bref. Un type l’a accosté, elle l’a envoyé chier salement, il a insisté, ça a empiré. Tu vois le tableau. C’est passé de la drague lourde à la tentative de viol. »

J’ai fixé le ciel vide et noir au loin, strié par les lueurs des immeubles, comme une toile lacérée au hachoir. Je me souvenais de chaque détail de l’altercation ; les odeurs d’alcools et de sueur, les vêtements moulants de la fille, la pâleur du type et les crocs brillants dans sa bouche... Mieux valait taire certaines choses. Celles qui allaient entraîner d’autres questions, plus délicates, et qui seraient autrement plus difficiles à esquiver.

« Il l’a chopé au cou, j’crois, il a envoyé bouler la rousse par terre, et moi contre une table. J’étais si énervée que je l’ai calmé beaucoup trop fort. Un coup sec sur la trachée. Et voilà. Fin de l’histoire. »

Simple. Honnête. J’évitais les subtilités telles que la nature de vampire de l’assaillant, et le fait que sa gorge ait été ouverte d’un bout à l’autre dans un geyser de sang. Somme toute, la rave-party s’était déroulée dans une pénombre seulement perturbée par les halos des néons, et je tablais sur le manque de visibilité pour cacher les pires détails de ma petite histoire. J’ai de nouveau fixé Dana, dans l’espoir d’apercevoir dans ses yeux bleus, la lueur de la compréhension et non de la délation, afin de m’éviter une solution plus drastique.

« Donc… » J’ai hésité encore, incertaine sur l’attitude à adopter. Mon cœur battait plus vite. « Tu comptes faire quoi ? Parce que de mon côté, je t’avoue que je préfère éviter la case dénonciation. Mais j’ai pas envie de te mentir avec des excuses bidons. Ce type était un connard, je le pleurerai pas. »

La case tuerie aussi, d’ailleurs. Le monde était rempli de connards méritant des coups secs sur la trachée, et aucun d’entre ne valait la peine que je sois forcée de tuer Dana Campbell pour me couvrir. Je l’aimais bien à vrai dire. Elle était maladroitement drôle, étonnamment douée, carrément sexy, et possédait une excellente réserve de café. Je la voulais avec moi encore un peu, avant que ma vie ne déraille au-delà du point de non-retour, et non repeindre mon seul asile de normalité avec le contenu de sa propriétaire.

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Ven 22 Déc - 17:31 (#)


Est-ce qu’elle avait des sujets post-coïtaux préférés ? C’est la première fois qu’elle avait une personne qui ne s’échappait pas de sa vie après s’être rapprochée d’elle aussi intimement. À se demander ce qui clochait avec Alex de rester dans les parages et de conserver une forme de proximité avec la geekette.

Fallait être trempé différemment pour accepter sa compagnie.
Ça allait peut-être à double sens.

Être apte à tuer faisait peut-être partie des qualificatifs nécessaires pour s’immiscer sans conséquence dans la vie de Dana. Ce qui était le cas aussi du Docteur… et qui d’autres parmi ses amis sexy avait déjà commis un homicide ?

Comme quoi être une pirate de Shreveport venait avec les avantages de se voir immunisé par l’idée de côtoyer des criminels de toute sorte.

Un lot de charmantes réflexions qui s’arrêtèrent sous une gorgée de bière qui se coince dans le tube vers ses poumons. «Quoi ?» expectore-t-elle entre deux quintes de toux douloureuses. Les yeux larmoyants sous l’effort de reprendre le contrôle sur son réflexe de ne pas mourir en s’étouffant, elle finit par laisser planer sur son visage une moue interrogative :

« Pourquoi je te dénoncerais ? »

Pour ce qu’elle en comprenait, ça faisait un salaud de moins dans les parages. Une personne de moins qui risquait de l’attaquer une nuit qu’elle retourne chez elle.

Dana grogne, un sourcil froncé. Observant son amante un instant, elle réfléchit à voix haute :

« Tu me donnes plus l’impression d’être capable de me faire la même chose qu’à ce connard. Ninja style. » De sa main libre, elle imite un coup sec dans une trachée invisible. « La prise de Spock, tout ça… » Puis elle reproduit celle-ci avec beaucoup moins d’adresse que le populaire Vulcain. Deux fois. C’était ridicule. « Avec tes gestes super rapides. » Observations accompagnées d'un autre coup inutile de ninja du dimanche dans l’air chaud de l’appartement, brisé par un filet du froid de l’extérieur qui s’immisce par la fenêtre entrouverte.

Sous ses acquis complètement nuls en karaté imaginaire, Dana agite un peu trop sa bière, qui se met à mousser en excès et s’extirpe du goulot de sa bouteille. «Merde.» Ajoute-t-elle simplement, en léchant la coulisse le long du verre, puis aspire l’agrégat de bulles entre ses lèvres, habilement. Penchée au-dessus de la moquette dans un geste rapide pour éviter d’en mettre partout sur son canapé, elle finit par prendre une longue rasade en élevant le contenant traitre, le menton relevé. Du revers de la main, elle s’essuie la bouche, une goutte d'houblon s'évadant sur sa peau : Rien sur le tapis, mais impossible de boire comme une adulte.

Elle décide de se lever.

Son trop grand chandail ouaté à capuchon cachait sa nudité partiellement, laissant ses longues jambes au pieds nus, découvertes. Prudemment, elle s’approche d’Alex. Dans la pénombre elle soutient son regard, espérant que sa voisine allait déceler la sincérité dans ses intentions.

« De toute façon, les excuses bidon, ça fait jamais long feu. »  Elle ne l’aurait pas cru, mais n’aurait pas poussé à avoir la vérité. Elle aurait accepté sans forcer, que l’on préfère lui cacher certaines aptitudes à tuer des gens. Un réflexe normal de dissimuler le moins beau de soi.

Protéger la mince humaine aux grands yeux bleus des atrocités du monde.

Si elle savait comment elle baignait dans celle-ci depuis longtemps.
Elle était peut-être même née de l’une d’entre elles.

Qui sait ?

Il n’y avait aucune information sur sa naissance ;  tout indiquait un tristement classique cas de violences faites à une femme pas faite pour être mère.

Debout, juste devant son invitée toujours assise sur la chaise près de la fenêtre, Dana relève sa main libre d’alcool vers son interlocutrice. Sa paume glisse avec douceur sur celle qui tenait la clope entamée entre ses phalanges puis s’empare de celle-ci, portant lentement le filtre à ses propres lèvres.

« C’est dans ton ADN, ces réflexes de Meijin ? Ou t’es genre une pro du Jiu-Jtisu ? »

En tirant sur la cigarette, le feu s’illumine et éclaire sa tronche encapuchonnée. Les lunettes sur le bout de son nez reflètent les lueurs tenues de l’appartement, mais ne cachent pas l’éclat de la simple curiosité dans son regard. Doucement, elle laisse filer la fumée de sa bouche, appréciant l’effet immédiat de la nicotine, couplé de la bière et d’un orgasme pas si lointain. Ses pupilles se tournent vers la vue des buildings dans la nuit, de l’autre immeuble près du leur, de la vie hors de son appartement puis ajoutent :

« Je ne te demandais pas ça pour t’accuser, tu sais. Je voulais savoir si tu avais besoin de mon aide. »

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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
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- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
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Dim 28 Jan - 18:30 (#)

Mercy isn't in the recipe

Étais-je rassurée ?
Peut-être. Mais de quoi, au juste ?

J’ai tourné ma chaise vers Dana. Les pattes ont raclé le plancher sombre, et une volute de fumée aspirée par le courant d’air de la fenêtre ouverte, m’a piqué les yeux. Dans la pénombre, la toux de -ma pote, mon amie avec intérêts, ma copine ?- ressemblait aux borborygmes gutturaux et agonisants du vampire à qui ma main avait arraché la trachée. À l’entendre ainsi, s’étouffer spontanément avec sa boisson, j’ai commencé à croire qu’en cas d’extrême recours, l’assassiner ne présenterait pas une difficulté majeure ; elle était indépendante cette fille, même pour mourir. L’idée m’arracha l’ombre d’un sourire. J’ai tiré une autre bouffée de cigarette, en remuant et disséquant le concept de la délation ; c’est vrai, pourquoi le ferait-elle ? À vrai dire, pourquoi pas ? En réalité, je ne connaissais pas assez les croyances morales de Dana -que ce terme sonnait faux chez moi-, mais sans doute ne suivait-elle pas les mêmes concepts cloisonnés que la masse humaine.

Pourquoi, au juste ? Je suis restée muette un moment, en épluchant les souvenirs de ces mois branchés à la caféine, à l’alcool et au sexe, à nos nuit coupées du monde dans cet appartement-bulle, où les flots humains n’étaient que des courants urbains, lumineux, s’écrasant sur les carreaux des fenêtres. Elle n’avait même pas cillé lorsque j’avais donné le sachet de poudre à P4R4D0X, lors de notre première soirée, ni quand je parlais de mes combines électriques sur les compteurs d’immeubles. Quelque part, je l’avais su. Je savais que Dana cachait ses propres secrets, tout comme moi, et une partie de ma conscience, enfouie, avait décidé d’éviter ces questionnements. Pourquoi, encore ? Difficile à dire. Difficile d’analyser des sentiments qui s’atténuaient un peu plus chaque jour, dans les tréfonds de mon âme dévorée par des mites héréditaires.

« Hm. » Je l’ai scruté sans mot dire, à se trémousser en tous sens en faisant mousser sa bière, avec ma clope coincée contre la commissure de mes lèvres et mon air placide scotché sur la tronche. « Pourquoi je te ferai ça ? J’suis étonnée que tu n’aies pas déjà dérapé sur une bouteille de bière et brisé la nuque toute seule. »

J’étais à moitié sérieuse. Un soupir sec, amusé et fumant, s’est échappé de ce demi-sourire qui s’amenuisait sur mes lèvres. « J’ai rien inventé, j’ai tout appris en suivant les tutos de Jean-Claude Van Damme. »

Esquiver la vérité. Louvoyer entre les emmerdes. Au lendemain de cette soirée LAN, à aucun moment l’idée de lui avouer quoi que ce soit de mes secrets m’était venue ; à quoi bon au juste ? Même en fabriquant une excuse valable, la conscience humaine tolérait mal la réalité de ce que j’étais et, en somme, j’étais certaine à quatre-vingt dix neuf pour cent, que Dana ne me croirait jamais. Chaque nuit, chaque heure, était l’occasion de découvrir une parcelle insoupçonnée et insondable de cette nature en forme de condamnation, et dans un sens, j’en retirais une fierté jalouse. J’étais pourrie jusqu’à la moelle. Et une part de moi blottie au fond de cette vase qui me servait d’âme, était curieuse de découvrir dans quelles abysses tout ça m’entraînerait.

Mal. Je terminerai mal. En voilà une évidence. Et les actes que j’avais commis, l’étincelle qui avait contribué aux incendies éclatant dans la ville, j’estimais que l’humanité la méritait, mais pas seulement ; j’étais accro à mon autodestruction. Ça allait mal finir pour moi, oh que oui, mais pas dans l’immédiat. Perdue dans mes réflexions mortifères, je n’ai remarqué qu’au dernier moment les jambes nues de Dana apparaître dans mon champ de vision, et j’ai levé les yeux vers elle, pensive, elle et sa périlleuse curiosité humaine.

« Je suis pas douée pour les excuses, de toute façon. » J’ai haussé les épaules, ma clope dessinant en même temps un cercle incandescent dans la pénombre des lieux. Une main aventureuse m’en a privé, alors que je fixais avec appréciation les contours doux de ces jambes qui s’offraient à ma vue, à côté de ma chaise.

J’ai cherché à éluder sa question. « J’crois pas que t’aies envie de tout savoir sur moi. Je sais que les humains adorent fouiner dans le tabou, mais là, tu me demandes un peu trop. » J’ai tâté derrière moi, à la recherche de la poignée de la fenêtre, et l’ai refermé d’un geste sec ; des frissons avait commencé à m’escalader la raie des fesses. « J'imagine que tu as tes petits secrets aussi. Qui n’en a pas, hein... »

Tous les saints hommes en avaient. Eux, surtout. Et Dana, avec sa maladresse, ses jambes sexy, et sa bouille adorable quand celle-ci n’était pas recouverte de condiments, avait le profil pour en avoir en réserve.

« Tant mieux, » ai-je fait simplement, tandis que le souvenir de cette vidéo incriminante revenait tordre mes pensées. « M’aider ? À quoi ? Laisse-moi deviner. T’es une géniale hackeuse secrètement millionnaire, et tu me proposes de supprimer ma vidéo sur internet. Non, ça va, j’vais me débrouiller pour faire profil bas. »

Plus qu’une habitude, un art de vivre, ai-je ricané en mon for intérieur. Ma mère me l’avait bien appris. Tout le monde se fiche de tes travers, de tes problèmes, de tes questions, Alexandra. Le tout enveloppé dans une claque bien sèche et bien sonore, comme elle en avait eu à revendre, cette connasse. J’ai détourné les yeux des mollets de Dana, et tourné à moitié la tête vers les lumières de Shreveport, ces jets de couleurs peints aux néons qui striaient les bandes noires des routes, comme un réseau de nerfs, brillant sur des muscles à vif. Et tout ce putain de monde récolte ce qu’il mérite à la fin, ai-je complété en esquissant un sourire amer.

Je me suis massée machinalement le cuir chevelu et, sans regarder plus mon interlocutrice, j’ai soupiré, un brin lasse. « Pourquoi ces questions tout d’un coup ? Tu attends quelque chose de moi ? »

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4B53NC3 - Have you ever considered piracy ? PS : J'ai les mollets concaves. CONCAVES !
Dana Campbell
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Hacker des programmes.
Dénicher des choses.
Être étrange.
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Être une bonne patronne.
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Ven 9 Fév - 23:35 (#)


«Je m’impressionne moi-même sur cette tendance à être toujours en vie, je t’assure,» précise-t-elle en haussant les épaules lentement. Pourtant, la vie de pirate informatique n’avait rien de particulièrement sécuritaire, non plus ses tendances nocturnes à retourner chez elle très tard, en vélo ou à pied. Que dire de donner des rendez-vous à des inconnus pour des transferts de données sensibles ou faire de la moto à vive allure quand il fait nuit noire. Sans parler du fait que la vie dans les Kingston Buildings avait son lot hasardeux de possibles conséquences, qu’elle dormait très peu, s’alimentaient aléatoirement, carburaient à la caféine et consommaient drogues et alcools de manière récréative et en excès à ce moment-là. Comme un réflexe, une main remonte sur sa propre épaule, un pouce frôlant au travers de son chandail, la cicatrice étoilée. Elle aura été aussi possédée et poursuivit par des esprits enragés, sauvés de justesse par le zèle sexy d’un chasseur croyant. Le loup-garou qui a voulu la kidnapper dans la forêt. La vampire qui a voulu la bouffer. Le theri à deux têtes, les visions causées par… erg.

Finir assassiné par son amante séduisante, aux acquis fatals Van Dammesques, pouvait maintenant faire partie de ce joyeux constat. Qui d’autre l’entourait et pouvait faire partie de la liste ?

Non.
Elle ne voulait pas le savoir.
Elle se doutait de l’étendue de ces possibilités.
Ajoutez quelques psychotiques, autre égo-narcisso-centrés malsain et gamers qui se prennent trop au sérieux, voilà que la boucle se ferme sur sa sécurité.

Ah.
Comme il faisait bon d’être un humain femelle à Shreveport.

Était-ce simplement de la chance ?
Est-ce qu’elle ne devrait pas avoir peur ?
C’était l’émotion la plus logique qui devrait suivre ces terribles observations.

Pourtant, elle pouvait vivre avec les mensonges d’Alex. Les vérités absentes ou évitées ne l’importunaient pas. Sa curiosité ne s’abreuvait pas ainsi. Ses questions étaient authentiques et sincères. Sans arrière-pensées. Sans désirs d’aller gratter des blessures ou de soulever une roche pour voir ce qui se cache en dessous.

«Tu pourrais m’apprendre ? Je me débrouille pas si mal avec un pistolet maintenant, mais je ne vaux pas grand-chose au corps à corps…» Malgré elle, la commissure de ses lèvres remonte légèrement et elle ajoute, en caressant l’avant-bras de sa voisine : «Quoique je ne t’ai jamais entendu te plaindre de mes techniques de corps à corps…»

Oh ouais.
Ça y est.
Elle se transformait en gros beauf.

Un froncement de nez exaspéré par sa propre connerie, elle soupire et ajoute en confirmant : « T’as pas idée combien il y a de gens qui aiment se vautrer dans le tabou et l’innommable. Sur internet, on voit un peu de tout… » Dana fréquentait les pires recoins de la sphère du web. Des endroits sombres, pourris, où la lie de la société trainait. Des lieux sans adresse qui demandait des examens de conscience fréquents. Elle attaquait les plus gangrénés d’entre eux, prenant soin ainsi de sa moralité modulable en faisant « sa part»  pour cette société défaillante et corrompue jusqu’à la moelle.

Après, tout ça avait peut-être du bon. Une carapace assez épaisse pour accueillir n’importe quelle sordide histoire ou aventure.
Amenez-lui des copines tueuses, des collègues violents et dangereux, des play-boys dévots tueurs de vampire : elle a vu pire.

La fenêtre maintenant fermée, les dernières volutes de fumée entouraient les deux jeunes femmes. Et une chance qu’elle avait expié la dernière bouffée de cigarette parce qu’elle se serait étouffée avec celle-ci sur la remarque particulièrement juste.

Des secrets.
Une pile de secrets.
Et comme à la loterie, Alex pige dans son sac de clandestinités et en ressort le jackpot.

Préférant bouger que de rester planté la devant elle, un peu abasourdis sur la justesse de cette supposition et le refus de son aide, Dana se penche vers le rebord de la fenêtre pour écraser le mégot. L’éteindre.

«Tu devrais voir mon condo de luxe en Italie.» Souffle-t-elle, sans plaisanterie. «Mais pour vrai, n’hésite pas si tu as besoin de mon assitance à ce sujet.» Ajoute-t-elle en se relevant lentement. Elle ne confirmait pas les propos, mais ne les infirmait pas non plus. La conclusion n’avait pas vraiment d’importance. Alex pourrait croire qu’elle était une grosse mythomane en manque de cul, que ça lui irait aussi. Ça pourrait la protéger de merdes éventuelles, si les plans des prochains jours déconnaient. «Ça me ferait plaisir de t’accompagner à faire profil bas, alors.»

Elle fait bien comme elle veut.
Memento mori, comme on dit.
Autant faire ce que l’on souhaite.

Dans tous les cas, elle se sentit affectée par le soupir lassé de sa concubine tardive. Elle hésite un instant puis joue franc jeu en avouant que : « Je suis impressionné par ton talent puis ta force. Les gens qui arrivent à se défendre seuls physiquement ont mon admiration. Puis n’empêche que, j’y vois aussi une possibilité opportuniste : Je sais qui appeler si je suis dans les emmerdes. » Elle ne peut s’empêcher de lui faire un clin d’œil d’intérêt. « Je n’attends rien de toi. Quoi que j’m’attends à tous les instants que tu me fais savoir que je t’ennuie royalement et d’arrêter de t’offrir des cafés à des heures si tardives. » Elle rigole, doucement puis s’allume soudainement. « Oh ! J’allais oublier ! »

Petits pas nus et habiles sur le plancher, Dana traverse le salon pour allumer une lumière dans son espace bureau, sous son lit juché au-dessus. Le coin préféré de son appartement. Là où tout se déroulait la plupart du temps. C’était son temple d’écran et de CPU puissants. Elle cherche un truc qu’elle ne trouve pas immédiatement, sous de la paperasse, puis des enveloppes de colis toujours pas ouvertes et se retourne vivement pour débarrasser une partie du petit canapé qui s’y trouve pour déplacer la pile de vêtements de l’autre côté de celui-ci.

Un « Ah ! » triomphale se fait entendre. « Te voilà. »

Les petits pas nus et toujours habiles reviennent vers Alex.

« J’ai reçu les morceaux qui te manquaient pour ton ordi. Fais-moi penser de te les donner avant de partir. Mais sinon… » Elle hésite un instant puis ajoute, décidé ; « Ça aussi c’est pour toi. Joyeux Noël. » La geekette lui tend un paquet cadeau carré couvert d’un emballage festif et du chou scintillant sur le dessus. C’est mince, ça ne fait pas de bruit si on l’agite. « J’t’assure, c’est pas grand chose. »

À l’intérieur, c’est un ancien étui à cigarettes, qui doit dater du 18e siècle, en argent massif, l’étui présente un motif élaboré de vignes florales des deux côtés et au centre, un charmant « Fuck off » calligraphié est gravé à même le métal. Ça, s’était fait récemment. À l’intérieur, une tige de métal travaillée sécurise une rangée de sa marque de clopes préférée.

« C’est vintage, mais j’ai fait faire l’inscription. »

Ouais, non. L’inscription n’est définitivement pas d’origine, mais allait très bien avec son amie.
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
Alexandra Zimmer
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NAPALM ROACH : j'adore l'odeur du non-respect au petit matin
FULL DARK NO STARS
En un mot : We're all mad here. I'm mad. You're mad.
Qui es-tu ? :
- Infréquentable et associable romancière pleine de mauvaises humeurs, d'ironie cinglante et d'indifférence, cachant une âme noire et liée aux enfers.
- Allergique à l’autorité avec une langue trop bien pendue pour sa propre sécurité, elle cherche à fuir ce monde humain dans lequel elle se sent étrangère.
- Écrivaine autrefois invisible dont seul le site internet attestait de son existence, elle est l'auteur anonyme d'un livre étrange et dérangeant, dicté par son propre père.
- Américaine et pourtant guère attachée au moindre patriotisme, elle erra longtemps sans attaches ni allégeances, avant d'être l'alliée forcée du plus terrifiant des Princes.
- Une antre modeste dans les Kingston Buildings masque ses noirceurs, ses poches trouées, ses écrits en vrac et une Honda 350 récemment achetée.

Facultés :
- Fille longtemps ignorante du Prince Hornet, l’ombre de celui-ci a influé sur sa vie, en étouffant une à une les dernières lueurs de son âme.
- Au gré des rencontres, des créatures de la nuit et du rêve d'une sorcière noire, ses perceptions se sont aiguisées et lui ont révélé bien des choses.
- Monstrueuse créature, la forme du cafard l'habite depuis toujours, bientôt sublimée et portée à son paroxysme par l'influence d'Hornet.
- Remarquable plume, ses mots sonnent justes, acérés, et empreints d'une ombre beaucoup plus grande qu'elle-même.
- Une insupportable teigne dont les répliques teintées de fiel déclenchent vexations, colères et peines autour d'elle.

Thème : Nick Cave & The Bad Seeds : Red Right Hand
You'll see him in your nightmares
You'll see him in your dreams
He'll appear out of nowhere but
He ain't what he seems
You'll see him in your head
On the TV screen
Hey buddy, I'm warning
You to turn it off
He's a ghost, he's a god
He's a man, he's a guru
You're one microscopic cog
In his catastrophic plan
Designed and directed by
His red right hand

Pseudo : Achab
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Messages : 1555
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Crédits : Lyrics: Nick Cave & The Bad Seeds ; Avatar: @vestae-vocivus
Ven 15 Mar - 18:53 (#)

Mercy isn't in the recipe

Je suis restée muette un moment.
Un souffle chaud, subtilement alcoolisé, a caressé mes lèvres et effleuré mes narines, comme mon soupir rebondissait contre le dossier de la chaise, coincée entre mes cuisses piquées de frissons. Mes conjectures s’étiolaient au sein de cet appartement, dans cette obscurité chaude, intimiste, qui sentait la transpiration, le tabac et l’alcool, la moiteur de la peau et la poussière chauffée par les ventilateurs d’ordinateur. J’ai tenté de visualiser la scène. Moi, transformée dans cet espace exiguë, et Dana découvrant, effrayée ou non, une réalité qui dépassait sans doute sa conception de l’horreur. Puis, aux hurlements succéderait la boucherie, qui repeindrait cet intérieur aux couleurs des tripes humaines, détruisant à jamais la quiétude parfumée à la caféine et aux désirs désinhibés. Un imaginaire incontrôlable habitait ce crâne pourri qui était le mien.

« T’apprendre... » ai-je répété à mon tour en la fixant, perplexe. Le pourrais-je, d’ailleurs ? La possibilité de me retrouver de l’autre côté de la barrière, d’être celle qui tenait les rênes de sa vie, ne m’apparaissait que maintenant. Improbable. Moi, si habituée à subir les coups, à vomir mes tourments dans le caniveau, à me plaindre en silence, à me coudre les lèvres jusqu’à ne rien quémander. Et aujourd’hui, une année après ma propre révélation, me voilà ici, à chercher mes nouvelles limites, à découvrir par petits bouts l’étendue du potentiel dont j’avais hérité. Et encore aujourd’hui, m’avait-on flanqué un instructeur d’arts martiaux, oui mère, un de ces types avec un balai dans le cul qui tâchait de m’inculquer le respect de l’adversaire.

Risible, ah.
Je préférai nettement apprendre l’efficacité musculaire et les déplacements sur le tatami, que de forcer ma nuque à se plier en saluts interminables. Seki m’appréciait peu, c’est-à-dire absolument pas en vérité, et se contentait d’exécuter les ordres, comme il avait toujours été formaté à le faire. Et je devinais, non j’en étais même certaine, qu’il détestait par-dessus tout cette facilité mécanique que mon corps possédait, et qui me permettait de me défendre avec une efficacité instinctive les trois quart du temps. Et comment pourrais-je expliquer cette réalité-là à Dana ? Que lorsque mes instincts parlaient, tous mes muscles s’unissaient et se coordonnaient avec une précision diabolique ? Que les techniques de combat de cet emmerdeur, n’avaient pour but que de canaliser les tendances de mes muscles à frapper pour tuer au lieu de se défendre ?

J’ai écouté d’une oreille distraite les aventures numériques de Dana, en raillant mentalement une douzaine de justifications toutes plus edgy et cringe les unes que les autres. Je me suis massée pensivement le crâne, ébouriffant ma chevelure au passage, qui devait désormais ressembler à une crinière de hyène rayée.

« OK. J’penserai à ta proposition si jamais ma vie dérape, encore plus. » Dana, ma Nettoyeuse de crime ? Il me semblait avoir lu un nom similaire sur wanted-monsters.org, qui désignait les agents cachant les crimes que les vampires commettaient. J’ai haussé les épaules. « Tu m’emmerdes pas. J’suis juste… J’sais pas trop comment le dire ? Juste que la confiance, les confidences, et tout ces concepts sont nouveaux pour moi. »

Nouveaux et bizarres.
Je n’étais pas certaine d’être capable d’apprendre ces conventions sociales, encore moins affectives, quand leur seule formulation me laissait une saveur amère dans la gorge. Une moue indécise a froissé ma bouche, tandis que mon hôtesse disparaissait dans l’arrière-boutique des lieux, dans son saint des saints, où elle conservait un fatras d’équipements informatiques, valant certainement le triple du contenu de mon compte en banque. J’ai oscillé sur ma chaise, méditative, mon dos s’appuyant contre la surface froide de la vitre.

« Nickel. La prochaine fois je t’apporte les sous. Enfin si t’es d’accord que je les paye, » lui ai-je lancé, avant de baisser les yeux vers le paquet cadeau qu’elle tenait entre les mains. Joyeux Noël. « … Quoi ? »

OK, bon.
Réponse stupide.

J’ai fixé un instant le paquet, sincèrement étonnée.
Puis j’ai levé les yeux vers Dana. OK, elle était sérieuse.
Et j’ai baissé à nouveau les yeux vers le paquet.

« … Quoi ? » ai-je répété bêtement. Putain elle va finir par croire que je suis une demeurée. « Attends, quoi, on se fait des cadeaux maintenant ?… Merde, mais j’ai rien amené moi. »

Hésitante, comme si mes mains allaient déclencher une bombe, j’ai lentement récupéré le paquet, avant de défaire le nœud qui l’enveloppait. À l’intérieur, brillait un étui à cigarettes couleur d’argent patiné aux motifs entrelacés, comme ces décorations alambiquées qu’appréciaient les nobles de la Renaissance. Je l’ai attrapé entre mes doigts, et l’ai levé à la lumière ténue qui filtrait au travers de la fenêtre derrière moi.

« C’est de l’argent ?… » J’ai essayé d’arborer un air furieux et convaincant. « Tu veux savoir si je suis sensible à l’argent ? » J’ai laissé un moment de silence s’interposer entre nous. C’était, sans aucun doute, une blague franchement naze, mais mon humour douteux avait survécu à l’épreuve du temps et à ma métamorphose.

J’ai secoué la tête, un fin sourire tirant la commissure de mes lèvres. « Je déconne. Merci. » J’ai ouvert l’étui et caressé du bout des doigts la rangée de clopes serrées les unes contre les autres à l’intérieur. Au fond de mon crâne, mes neurones paresseux ont essayé de dépoussiérer les Noël familiaux, qui avaient en réalité la même allure que n’importe quel repas avec ma mère. En somme un plat réchauffé sur un coin de la cuisine, que j’avalais seule, dans la quiétude oppressante d’un ventilateur moribond et d’un lave-vaisselle poussif.

« Tu sais que j’arrive même pas à me souvenir si j’ai un reçu un cadeau de Noël dans ma vie, » ai-je soufflé, soudainement mélancolique. « Mais honnêtement j’crois pas être capable de t’apprendre à te défendre en retour. C’est pas que j’veux pas, c’est juste… J’fais ça d’instinct, c’est difficile à expliquer. »

Les mots m’échappaient. J’ai ruminé un instant dans ma barbe, comme en plein débat avec moi-même, avec cette vilaine couche de colère et de méchanceté croissante qui tâchait mon âme. Je me suis remise debout. Le cadeau de Dana encore enveloppé dans un nid de papier froissé, a échoué à la place de mon derrière sur la chaise et, les mains désormais libres, je me suis postée face à ma – sex-friend, amante, amie, confidente – en saisissant ses joues fraîches entre mes paumes. Je l’ai embrassé, subitement. Avant que les neurones de Dana, trop prompts aux questionnements inopinés et aux vannes maladroites, ne s’interposent, mes lèvres se blottissaient contre les siens, dans un baiser de Noël beaucoup trop cliché à mon goût personnel.

Je l’ai laissé durer. Plusieurs fois. Comme mon propre corps commençait à s’échauffer, des baisers spontanés ont parsemé la surface pulpeuse de ses lèvres, avant que je ne rompt l’étrange instant. La saveur amère de la bière avait désormais contaminé ma bouche, alors que je fixais Dana, les yeux dans les yeux, et les mains encore sur ses joues. Je sentais son pouls battre contre la pulpe de mes phalanges, lovées dans les creux de sa mâchoire, tout prêt du cou ; bizarre sensation que de sentir un être vivant palpiter entre ses mains.

« Tu viens d’embrasser un truc non-humain. Joyeux Noël à toi, » lui ai-je balancé d’un ton narquois. « Ça t’a fait quoi ? Tu as besoin que je te débarrasse définitivement d’un emmerdeur en retour ? »

À chacun son cadeau de Noël, hé.

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