There is always an adventure waiting in the woods...

Date d'inscription : 16/05/2023

A la base, c’était une super idée. Si, si, je vous assure, y avait un truc qui me paraissait super pertinent et … bref. J’avais un devoir à rendre sur la nature. Jusque-là, tout va bien. Et une grosse envie d’aller me balader en forêt. Rien d’incompatible, c’est même tout le contraire. Comme je suis pas totalement débile, j’ai décrété qu’y aller en journée, avec un temps à peu près acceptable, restait quand même le truc le plus malin à faire. Nan parce que bon, les films d’horreur, où le tueur psychopathe se jette sur la fille en pleine nuit au milieu de la forêt, je connais hein, faudrait voir à pas me la faire à l’envers.

… je disais quoi déjà ? Ah oui. Devoir à rendre, la nature, tout ça.

J’ai donc embarqué mon appareil photo, un sac plein de bouffe et de conneries aussi inutiles qu’encombrantes, j’ai chaussé mes magnifiques chaussures de randonnée et je suis partie en balade. Et au début, tout se passait comme sur des roulettes. J’ai pris un paquet de photos, j’ai même profité du soleil qui perçait entre les arbres, humé cette odeur si caractéristique de terre, de mousse et sautillé à faire crisser les feuilles mortes sous mes pieds. Ouais, c’était carrément cool quoi.

Sauf qu’il y a fallu – BIEN EVIDEMMENT – que je me paume. Pourtant, j’ai globalement le sens de l’orientation. Mais c’est surtout en ville ça. A croire que c’est pas exactement la même chose quand, au lieu d’avoir un carrefour, on a deux arbres qui ressemblent à s’y méprendre aux deux arbres juste avant. Quelle galère.

Sans compter que bon, j’ai pas trop envie de me retrouver là où je devrais pas. Genre le territoire maudit d’une sorcière totalement givrée ou, pire encore, de créatures que je devrais pas croiser. Je sais, j’aurais dû encore une fois être plus attentive aux leçons de Granny sur le découpage de la zone. Oh, j’ai des bases hein, faut pas non plus déconner. Je sais dans quel coin surtout pas aller. Mais là, de suite, dans cette forêt, c’était un peu plus flou. Alors, je me suis aventurée sans vraiment réfléchir à tout ça.

Et comme je suis quand même un peu idiote, j’y ai pensé APRES. Genre là, maintenant que le joli bruit du vent dans les arbres commence à me faire un peu flipper. « Manquerait plus que Billy Loomis sorte de là en me faisant bouh. » Un coup à avoir une crise cardiaque. Et dans le genre, mort de merde, ça se poserait quand même là. Mais on en est pas encore là et je vais arrêter d’écouter la petite voix en panique dans ma tête. Une grande inspiration, une petite gorgée prise dans ma gourde et me voilà repartie. « Je suis trop jeune pour mourir dans les bois de toute façon. » Hum.

Au bout d’une dizaine de minutes – ressenti 2h30 au minimum – je finis par déboucher… sur une petite clairière. Forcément, j’ai un temps d’arrêt, oubliant mon coup de flippe alors que la lumière traverse les branches pour se poser sur les rochers. Dans le genre photo parfaite, ça se pose là. Appareil dégainé, j’ai un sourire rêveur sur les lèvres alors que j’appuie sur le déclencheur. Et me faut bien quelques secondes avant de réaliser que je suis pas toute seule. Dans le genre tête en l’air, je me pose là, ouais, je sais.

Une rouquine, qui a pas l’air bien plus vieille que moi. En pleine méditation. « Ah ouais, ça aussi faudrait que je m’y remette… » Soufflé dans un murmure, alors que, pour le coup, j’hésite à faire le moindre mouvement. Parce qu’il y a quelque chose de vraiment apaisant à la regarder, alors qu’on peut entendre en fond quelques gazouillis d’oiseaux. Une espèce de sérénité que je trouve rarement dans mon quotidien et qui m’incite, sans même que j’en sois réellement consciente, à prendre une longue inspiration, à retrouver un souffle calme alors que même mes épaules se relâchent. Et c’est vachement agréable quand même.

Date d'inscription : 17/12/2018

La sueur coule sur mon front alors que mon regard est fixé sur la forme qui évolue entre mes mains écartées. Je sens le regard de Daphné et son encouragement silencieux. Voilà plusieurs semaines qu’elle me fait repousser toujours un peu plus les limites de ce que je parvenais à faire jusqu’ici. un sang provenant d’une autre personne, prisonnière d’une fiole que je dois ouvrir sans la toucher avant de faire différentes figues avec le sang pour finalement le faire entrer à nouveau dans la fiole. Sur el papier, l’exercice ne semble pas si difficile. Mais les figures se complexifient de plus en plus et elle me fait répéter l’exercice plusieurs fois, m’épuise avant que je recommence, pour toujours garder un contrôle précis et total sur ma magie. L’exercice actuel ? On commence avec un polyèdre, puis on le sépare en deux et on refait des polyèdres, puis on les sépare encore pour en refaire, ainsi de suite. J’en suis à huit. Huit polyèdres qui flottent entre mes mains et que je suis censée tous couper en deux pour en doubler le nombre et reformer des polyèdres. S’il avait fallu les former à la base, ça n’aurait pas été si difficile, mais avec les séparations successives et la concentration de devoir gérer simultanément huit séparations et seize reconstructions, cela devient tout de suite bien plus difficile.

- Si tu veux arrêter…

- Non. Je vais y arriver.

Je dois y arriver. Plus elle m’apprend de choses sur le chamanisme, plus je sens que je dois développer mon don propre en parallèle. Daphné contrôle les plantes et le chamanisme semble être fait pour elle. Je contrôle le sang, c’est complètement différent et particulièrement dangereux si je n’y fais pas attention. Daphné est persuadée que les applications sont nombreuses, ne serait-ce que pendant les rituels ou dans la création de potions. Mais, pour ça, je dois contrôler ce don parfaitement. Alors, à chaque fois que je vais au camp, avant qu’elle ne m’enseigne d’autres choses, je prends quelques heures sous sa surveillance, pour m’entrainer, décupler et contrôler ce don. Seule, je n’ose pas allez aussi loin. Je ne sais pas ce qu’il pourrait se passer si je m’épuisais trop sans quelqu’un pour réagir dans ce genre de situation.

J’inspire, expire, me concentre un peu plus. Ce n’est pas come un rituel qui emprunte une énergie qui ne m’appartient pas Tout vient de moi. Et c’est épuisant. Les polyèdres se séparent, mais la pression pour tout maintenir en l’air est trop conséquente. Je reforme une seule bulle et la remets dans la fiole, vidée. Manipuler le sang dans un corps est bien moins difficile que de le faire à l’air libre, mais il est essentiel que j’y parvienne, selon moi. Ça ne rendra le reste que plus facile. Daphné est fière. Je suis un peu insatisfaite, mais je sais que j’ai encore beaucoup à apprendre. Je ferme les yeux un instant. Je recommencerai demain.

Daphné ayant été appelée en urgence ailleurs, elle m’a demandé de faire nos exercices habituels, sans tenter d’aller trop loin sans elle. Alors, j’ai opté pour une longue séance de méditation dans la clairière où nous avons l’habitude d’aller. Après une brève douche froide et un thé, je crapahute dans le sous-bois, prenant le chemin bien connu. La forêt c’est toujours un endroit calme et reposant. Le gazouillis des oiseaux et le son du vent dans les arbres sont une mélodie apaisante et le soleil perçant à travers le feuillage offre une impression d’endroit parfois irréel Moi qui avais toujours vécu en ville avant de connaître Daphné, je suis encore émerveillée par chaque balade que je prends au sein de la forêt.

Enfin sauf quand Daphné me demande de faire une randonnée surprise de plusieurs kilomètres pour rejoindre la Meute parce qu’elle veut que je communie avec la nature. Mes cuisses s’en souviennent encore…

En atteignant la clairière, je dérange un couple de sturnelle qui s’envole en piaillant lorsque j’arrive pour m’installer sur la souche. Je retire mes chaussures, croise mes jambes et ferme les yeux, laissant le calme m’envahir peu à peu. Même si j’ai eu du mal à me mettre à méditer au début, c’est devenu une sorte d’automatisme. Reposer son corps, son esprit, être en communion avec soi-même et les énergies qui nous entoure, c’est toujours une expérience pleine de sensations et de calme. Le genre de paix intérieure qu’il est difficile de vivre autrement. On apprend à se connaître soi-même et à se laisser le temps.

Un temps qui devient rapidement abstrait. Je ne compte pas les minutes qui défilent tandis que je reste ainsi, les yeux clos, mais je peux sentir une perturbation qui me sors de ma transe. Un bruit, un murmure, un cœur étranger qui bat non loin. J’ouvre les yeux, surprise d’entendre un bruit qui ne devrait pas se faire entendre dans les bois. Je tourne la tête et croise le regard d’une jeune femme. Elle ne doit pas être plus vieille que moi, est habillée comme une citadine perdue au milieu des bois, si on exclue la paire de chaussures de randonnée qu’elle porte aux pieds. Je ne pensais pas que quiconque parvienne à arriver jusqu’ici... peut-être qu’elle est vraiment perdue. Je me redresse et descends de ma souche en lui faisant signe. Si c’est une simple humaine, elle aura juste vu une rouquine habillée d’une robe à fleur se prendre pour une hippie, donc je ne risque pas grand-chose.

- Hey, salut !

Je renfile mes chaussures et me dirige vers elle, calmement. Je doute d’avoir l’air une seule seconde menaçante, mais on ne sait jamais. Parfois les gens un peu paumés ont des réactions bizarres. Mais ce serait bien la première fois que qui que ce soit se perd dans ce coin-là. Et je ne me rappelle pas avoir vu son visage parmi les gitans du camp ou même les quelques têtes de passage. Et puis je remarque son appareil photo et fais le lien avec le son que j’ai entendu et qui m’a sorti de ma méditation. Une photographe nature ? Possible, la forêt regorge de bestioles et d’arbres, après tout, c’est l’endroit idéal.

- T’es perdue ?

J’espère sincèrement que non. Jouer les guides dans un forêt ça fait vraiment pas partie de mes prérogatives…

Date d'inscription : 16/05/2023

Je pourrais rester longtemps comme ça, sans même réellement m’en rendre compte. Et surtout, sans vraiment arriver à comprendre exactement pourquoi. Enfin si, si je pense à tout ce que me dit Granny, c’est parce qu’ici, c’est un des endroits les plus propices pour se rapprocher de chacun des éléments qui permettent de trouver l’équilibre. Parce que si je dois apprivoiser le feu, tout comme il doit aussi m’apprivoiser, je dois aussi comprendre le reste. L’air qui m’entoure, le sol sous mes pieds. L’eau qui gronde un peu plus loin. Si j’ai plus d’affinités avec certains qu’avec d’autres, j’ai bien compris que c’était un tout et que, malgré nos dons, on devait surtout pas en abuser, qu’on était là aussi pour aider à ce que tout tourner rond… ou quelque chose du genre.

Dans ce genre de moments, je regrette de pas être un peu plus assidue et d’avoir laissé un peu mes enseignements de côté. Parce que j’ai envie de voir autre chose, que j’ai pas envie d’être que ça, que tout finisse par tourner exclusivement autour de la magie et que j’en oublie qu’il y avait autre chose qui me définissent. Mais ptet que je sombre un peu dans l’excès inverse à la réflexion. Et que je devrais remédier à ça.

Ouais bon, c’est ptet pas le meilleur endroit du monde pour réaliser ce genre de trucs. Ou ptet que si. Faut dire qu’être paumée, ça aide à relativiser pas mal de trucs. Fatalement, à trop trainer comme ça, j’ai fini par me faire remarquer. Bon après, en étant plantée au milieu de la clairière, faut dire que je cherchais pas trop non plus à me faire discrète. Mais je sens quand même le rouge me monter aux joues, prise d’une timidité aussi brusque qu’inhabituelle chez moi. « Euh… » Là, je devrais dire salut et probablement trouver un mot d’esprit. Sauf que c’est genre la méga erreur 404 et que je trouve rien d’intéressant à raconter. Mon attention est captée un instant par un petit écureuil curieux qui commence à se rapprocher de nous, vraiment super audacieux dans son genre. Et j’ai une ombre de sourire avant de me focaliser de nouveau sur la rouquine. « Alors … oui et non. » Su-per la réponse Naya, dans le genre inutile, ça se pose là. « Hum… ouais. C’est pas clair tout ça hein … »

Une inspiration, alors que je me frotte le nez, avec une grimace. « Disons que je sais pas exactement où je suis. Enfin si. Dans une forêt quoi. » Bien vu l’aveugle ! « Je cherchais des jolies expositions, rapport à la lumière tout ça. Pour mon cours. Et euh… » J’ai une brève hésitation, me demandant à quel point je peux continuer ou pas. Je sais que faire confiance aux inconnus, c’est le mauvais plan hein, mais là, elle a pas l’air de vouloir me tuer. Du coup, je continue, avec une moue. « Et je t’ai vue méditer. Ca m’a… rappelé un peu que je devrais le faire plus souvent. » Je finis par reprendre, non sans une brève inspiration. « Et ce coin est juste… parfait en fait. J’étais jamais venue ici, mais y a vraiment quelque chose. » Que je serais incapable de définir et sur lequel je suis incapable de mettre des mots. Pour quelqu’un qui parle beaucoup trop, c’est un comble non ? « T’es du coin ? Enfin, je me doute que tu vis pas dans la forêt hein… » Et pourquoi pas tiens ? Je veux dire, c’est tout à fait possible. Ptet que je devrais me montrer polie et faire demi-tour, mais pour une fois que je me sens vraiment bien, presque apaisée, j’ai pas du tout envie.

Date d'inscription : 17/12/2018

C’est singulier. Il y a quelques années, la forêt était un endroit inconnu pour moi, juste un mot lié à des images ou des photos dans des livres, à des dessins animés ou des contes. Ça n’allait pas plus loin que ça. Fille de la ville, née au cœur d’un cité que je n’avais jamais quittée, je me demande ce que mon moi de l’époque penserait si elle me voyait maintenant, pieds nus dans le sous-bois, à méditer dans une clairière. L’image est amusante, en un sens. Bien loin de ce que j’imagine que mes parents ont en tête quand ils imaginent la magie et toutes ces choses que je fais et qu’ils ne comprennent pas. Qu’ils ne veulent pas vraiment comprendre, malgré toute l’envie de se faire pardonner qu’ils ont éprouvé. Il y aura sans doute toujours cette barrière impalpable entre nous, mais j’en viens à me demander si j’ai vraiment perdu au change, quand je vois ce que je découvre chaque jour et la facilité avec laquelle les gitans m’ont accueilli parmi eux, moi, l’étrangère, la gamine paumée qui ne cherchait qu’à comprendre ce que j’étais et à trouver une place quelque part.

J’ai trouvé tellement plus que ça ici.

La vie a le chic pour prendre des tournures inattendues, même dans les situations les plus banales. Je ne m’attendais pas à devenir l’apprentie d’une chamane en cherchant simplement à gérer un don qui me demandais énormément d’effort et de pratique. Pas plus que je ne m’attendais à trouver une autre rouquine dans cette forêt alors que je méditais paisiblement après une séance d’entrainement avortée. Chance ? Destin ? Je me prends trop la tête ? La dernière option me semble toute aussi viable que les deux autres alors que j’arrive à la hauteur de l’intruse involontaire. Impossible de retenir un sourire en la voyant réagir comme ça. On doit avoir le même âge et j’aurai sans doute réagi comme elle si j’avais été à sa place. Ça doit être bizarre de croiser quelqu’un de cette façon. Je la laisse faire ses explications, elle a l’air de s’embrouiller très bien toute seule sans que je ne l’aide en posant des questions.

Mon regard passe de son visage à l’appareil photo qu’elle a dans ses mains. Ceci explique cela. Etudiante en art photographique ? Voilà une explication que je n’avais pas vu venir ; Et elle a dû sacrément marcher pour arriver jusqu’ici en prenant un des sentiers habituels. Le Camp gitan n’est pas vraiment proche de l’un d’entre eux, pour des raisons évidentes.

- Photographie ? Cool ! si tu veux, il y a un ruisseau par-là, dis-je en désignant une direction vers sa gauche. Quand le soleil est bien placé, avec le dénivelé et les roches, ça fait des arcs-en-ciel miniatures. Je sais pas comment ça rendrait en photo, mais ça vaut le coup d’œil si t’aimes la jolie photographie naturelle.

La question qui reste en suspens, néanmoins… une Eveillé ? Même des humains sans le moindre don méditent, mais généralement ce n’est pas quelque chose qu’ils devraient faire. Mais qu’elle sente qu’il y a quelque chose… enfin même les délires New Age utilisent ce genre de désignation dès qu’un truc commence à leur gratter la plante des pieds, mais les chances sont faibles qu’elle dise ça au hasard alors qu’il y a vraiment quelque chose ici, un résidu de pouvoir qui aide à se concentrer.

- Nan j’habite en ville, mais je viens ici le week end pour… une formation.

Ne pas trop end ire tant que je n’ai pas de certitudes. Ça me semble un peu gros comme piège tendu par des anti-CESS, mais Daphné me tuerait si je parlais ouvertement de son apprentissage avec une parfaite inconnue. J’en parle déjà pas avec la plupart de mes proches.

- Le coin est parfait pour méditer. Si jamais tu veux profiter, hésite pas, y’a largement la place pour deux.

Pas pour rien que Daphné et moi venons ici régulièrement. Sa serre aide, mais il y fait bien trop chaud à mon goût et je préfère profiter du trajet pour me préparer en général. Ça a quelque chose de bien plus apaisant de venir ici.

- Sinon, on peut voir pour te ramener vers un chemin pour que tu puisses retourner à la civilisation. IL y en a pour une petite marche, mais t’es sans doute pas à quelques kilomètres de plus… Moi c’est Anaïs, au fait.

J’en ris doucement. Voilà que j’en oublie la chose la plus élémentaire.

- C’est toi qui vois. Tu risques rien dans cette forêt, y’a pas de bestioles dangereuses, mais retrouver ton chemin peut être long si tu sais pas où tu vas. T’es venue toute seule ?

Date d'inscription : 16/05/2023

Les dernières semaines ont été un peu compliquées. Je saurais pas dire pourquoi ou comment exactement, juste ce sentiment diffus d’être en train de passer à côté de quelque chose. Encore une fois, je me rends bien compte que c’est le genre de révélation à avoir dans de meilleures circonstances. Enfin, à la réflexion, quand je vois ce qui m’entoure, je me dis qu’il y a pire comme endroit pour me rappeler à quel point je suis supposée être en connexion avec tout ce qui m’entoure. J’ai été dotée de dons précieux, comme Granny aime à le répéter, et j’ai pas le droit de les gâcher en m’éparpillant à faire n’importe quoi.

Alors ouais, tout ça continue de tourner en boucle autour de moi, alors que le calme et la sérénité qui semblent émaner de cette forêt me donne l’impression que ma propre respiration est comme décuplée. Je sais, c’est trop bizarre, mais tout semble plus fort, plus intense. Probablement parce que j’ai pas tout ce qui me parasite autour de moi et que je suis juste… avec moi-même. De fait, tomber sur une autre fille qui a l’air d’avoir plus ou moins âge, ça me fait un peu bizarre. Et pour un peu, j’y verrais presque un signe positif que mes réflexions vont, pour une fois, dans la bonne direction.

Bon et, alors que je pourrais faire une brillante entrée en matière sur ma carrière, la photo, le paysage et j’en passe, je me retrouve plus à m’empêtrer dans mes propres paroles. Ca craint sérieux. « Cool ? Ouais c’est cool ! » Enfin, je suppose. En tout cas, j’aime bien l’idée que d’autres puissent trouver ça cool. Je me rends pleinement compte, au pire moment évidemment, à quel point je peux être gauche avec les gens de mon âge. Au moins, je suis pas direct sur la défensive, c’est déjà pas mal, surtout vu le passif que j’ai pu avoir avec ces connards du lycée. « Ah ouais ? » Je me tourne, notant mentalement la direction et jetant un bref regard au soleil. « Tu sais quand est-ce qu’il est bien placé donc ? » Histoire de pas me rater, ce serait dommage.

Quand elle me dit qu’elle vient là pour une formation, impossible de rater son hésitation. Mais je bloque pas dessus, après tout, on se connait depuis deux secondes et demie, pas de quoi me balancer sa vie directement quoi. « C’est un chouette coin pour une formation. » Clairement, j’aimerais bien faire la même chose. D’ailleurs, quand elle me propose de se joindre à elle pour méditer, je bats des cils, un peu interdite, alors que je réprime difficilement un sourire. « Je… ça te dérange pas ? Pour de vrai ? T’es pas obligée d’être polie hein, je le prendrais pas mal. » Clairement pas. Mais là, franchement, ça me fait super plaisir, sans que je sois totalement capable de dire pourquoi. « T’embêtes pas. Je trouverais bien mon chemin pour le retour. Ou je me perdrais un peu plus jusqu’à retomber sur la civilisation. » Soufflé d’un ton malicieux, alors que je me demande s’il y aurait des lucioles ici à la nuit tombée. Ca serait beaucoup trop cool.

« Oh, moi c’est Naya. » Ouais, la politesse un peu quand même quoi. « Enchantée donc. » Mon rire fait écho au sien avant de hocher la tête au reste. « Je me balade souvent toute seule un peu partout. » Je sais, c’est pas super prudent, mais j’ai toujours su me débrouiller jusque-là, pas de raison que ça change non ? « Et je suis sûre que cet écureuil serait vexé que tu le vois pas comme une bestiole dangereuse. » Ledit écureuil est arrivé à hauteur d’Anaïs et la regarde, la tête penchée sur le côté. Sans même y réfléchir, je me saisis de mon appareil pour immortaliser l’instant, mon objectif rivé sur la petite bestiole. « T’en fais pas, je prends pas de photo des gens sans leur demander leur avis. Même si je suis sure que ça rendrait super bien. » Et là, je me retiens de danser d’une jambe à l’autre, sans trop savoir à quel point je peux vraiment m’installer à côté d’elle ou pas donc.

Lun 4 Sep 2023 - 17:25 (#)

La clairière en plein après midi a toujours été un endroit empli de couleur et de lumière. Que ce soit le verdoyant du printemps ou le rouge automnal en passant par l’hiver plus maronnasse qui m’a tiré quelques grimaces et des sourires moqueurs à ma mentore sans cœur qui se fichai pas mal que j’ai mis le pied dans une flaque jusqu’au milieu du tibia. Aujourd’hui, c’est un mélange de vert et de jaune avec une lumière et une chaleur bien présente et seul le vent a l’amabilité de rendre le tout plus agréable. Je n’ose imaginer la température en pleine ville et suis bien contente de passer autant de temps en forêt, loin du béton, des bruits et odeurs de voiture et de la chaleur étouffante qui ne semble jamais vraiment quitter la ville. Il m’a fallu du temps pour connaître ça, mais ça ne me fait que davantage apprécier chaque excursion, chaque journée et chaque méditation que je passe dans cette forêt.

D’habitude, je suis seule ou avec Daphné, mais la nouvelle venue – rousse aussi, ce qui m’amuse quand même beaucoup, tu parles d’une coïncidence – ne semble pas vouloir déranger les lieux. Je peux voir ses yeux observer les alentours avec curiosité. J’imagine que j’avais un peu la même expression quand Daphné m’a emmené ici la première fois. Il y a eu beaucoup de leçons dans cette clairière, beaucoup de sueur, de frustration de larmes, que ce soit à cause d’échecs ou de réussite. Tant de choses qui ne sont plus perceptibles, mais qui rendent ce lieu spécial à mes yeux. C’est peut-être idiot, parce que ce n’est qu’une clairière avec une vieille souche, quelques fleurs et un sacré paquet de bestioles qui font leur vie sans vraiment s’inquiéter de notre présence. Il doit y en avoir des milliers dans la région. Mais celle*là a un statut spécial à mes yeux.

J’en deviens mièvre à cause d’une clairière, nous voilà bien…

je tourne mon regard vers le soleil en imitant l’autre rouquine ; avant de jeter un rapide coup d’œil à mon téléphone après sa question. Il n’est pas près de faiblir et le ruisseau n’est qu’à quelques minutes de marche, tout au plus, pas la peine de s’affoler.

- Ouais, d’ici une heure il sera bien, je pense. Ça dure quand même assez longtemps à cette période de l’année, donc t’auras le temps de t’installer et de prendre le coin sous tous les angles, t’en fais pas.

Je souris et hoche la tête, bien d’accord avec le fait que le coin est chouette. La première fois que lilas m’a parlé d’une formation pour que j’apprenne à gérer mes pouvoirs, j’ai pensé à un vieux sage barbu un peu aigri et jamais vraiment satisfait, un genre de vieux manoir poussiéreux et à peu près autant de fun qu’une veillée funèbre. J’imaginais que ce serait beaucoup de choses, mais certainement pas aussi sympa qu’avec Daphné. Certes, parfois elle est dure et parfois j’ai envie de m’arracher les cheveux tellement j’ai du mal à arriver aux résultats qu’elle me demande. Mais ça ne va jamais bien loin. J’ai juste le sentiment de faire partie d’une famille qui me pousse à aller de l’avant, me pousse à me dépasser et ça vaut largement les quelques instants où je me sens nulle de ne pas réussir à retenir quelque chose ou à faire un geste précis.

- Si je te le propose, ça ne me dérange pas, il y a de la place pour deux… voie plus. Aucun problème.

Naya… Jamais vu, jamais entendu parler, mais j’aime bien l’idée de croise ainsi des gens au hasard et qui ont l’air de faire leur petite vie, même si ce n’est qu’une balade en forêt. Ou bien une balade qui se transforme en jeu de piste parce qu’elle s’est perdue. Je hausse un sourcil et tourne la tête pour fixer ledit écureuil dont elle parle. La plupart sont assez craintifs, mais celui-là doit être le casse-cou du groupe… ou alors il me voit souvent dans le coin. Le clic de l’appareil photo me tend une seconde, mais elle arrive à me devancer et je respire de nouveau assez vite.

- Oh… euhm… C’est pas contre toi, mais j’ai pas envie que les gens voient ma trombine si tu exposes tes photos. Je suis pas…. Super à l’aise avec l’idée.

Voir ma tête une fois sur un journal m’a suffi et je préfère que les photos se limitent à mon téléphone ou aux cadres que Zach a acheté pour décorer l’appartement. Même à l’université je me suis arrangée pour qu’on ne me voit pas trop sur les photos de promo. Les notes ont plus de valeur qu’un trombinoscope… enfin je crains déjà le moment où on va tous passer dans le classeur de fin d’année…

- Mais si on voit pas mon visage ou qu'on peut pas me reconnaître, fais comme chez toi.

Je lui désigne la souche, judicieusement placée à l’ombre.

- Tu veux t’installer, du coup ? peut-être que notre ami poilu nous y suivra, je dois avoir des fruits secs en plus.

Vu que l’écureuil n’a pas bougé et s’est dressé un peu plus à mesure qu’on parle, j’imagine qu’il est trop curieux pour son propre bien. Mais ça ferait une super photo, pour sûr.

Ven 8 Sep 2023 - 10:20 (#)

Je sais que mes parents ont toujours dit que je tenais pas en place. Toujours à gigoter, à me demander quand est-ce que je pourrais filer… ce genre de trucs quoi. Mais là, étonnamment, je ressens pas le besoin de repartir direct en vadrouille. Je saurais pas vraiment dire à quoi c’est dû. Si c’est l’air ambiant, la présence de l’autre rouquine ou même de l’écureuil. Ptet un peu tout en fait. Ca donne un côté… magique à ce moment, comme si je venais de me glisser dans une bulle hors du temps et de mes tracas habituels.

… et ça fait un bien fou.

Je me rends compte que je devrais probablement – surement même – faire ça plus souvent. Mais c’est toujours la même rengaine. Je passe mon temps à courir après chaque minute, chaque seconde. A essayer de faire trop de trucs, sans peut-être me focaliser sur ce qui compte vraiment. Et en cet instant, je réalise que ouais, possible que je dois remettre certaines choses en perspective.

Tout ça à cause d’une simple clairière. C’est plutôt pas mal non ? J’veux dire, on parle de quelques arbres et de brins d’herbe. Moi je trouve ça fort. Toujours est-il qu’Anaïs fait tout pour pas que je me sente comme une intruse est ça, c’est carrément cool. Mon regard se fait pétillant quand on se met à parler d’un spot qui pourrait me plaire pour quelques photos. « Une heure ? Cool. J’ai hâte de voir ça. » Soufflé d’un ton rêveur, alors que l’endroit me vend déjà du rêve sans même que ce soit l’heure parfaite donc.

Et j’ai un large sourire quand elle me confirme que je peux me joindre à elle. « Merci ! » Ouais, je devrais probablement trouver un truc un peu plus pertinent à répondre, mais je m’attendais tellement pas à ce que la situation évolue comme ça que je me sens un peu plus timide que d’habitude. Et, alors que je photographie notre petit camarade, je la rassure elle, dans un réflexe que j’ai bien souvent. « Ouais, t’en fais pas, je le prends pas contre moi. Ca m’parait logique de demander aux gens avant et, surtout, d’accepter s’ils veulent pas qu’on voit leur tête dans une expo. Mais j’note que je peux prendre tes doigts en photo si tu nourris notre petit camarade. »

Je finis par m’installer avec un hochement de tête, repliant mes jambes en tailleur et laissant, pour quelques instants en tout cas, mon appareil sur le côté. J’suis pas aussi connecté à la terre que Granny – en même temps ce serait difficile d’être au niveau à mon âge – mais j’ai quand même toujours pris en compte l’importance de chaque élément dans ma vie. La terre qui nous soutient, l’air qui nous entoure, l’eau qui coule pas loin. Un équilibre délicat dans lequel je peine encore à trouver ma place. Mais que ça m’empêche pas de profiter de moments comme celui-là non ? « Il est carrément en train de nous suivre regarde. Je suis même étonnée qu’il ait pas encore rameuté toute sa bande. » J’avoue que ce serait une photo carrément cool s’ils sont plusieurs. Mais là déjà, y aura moyen de faire un truc sympa. Enfin, pour le moment, je me focaliser sur vivre le moment avant de l’immortaliser.

Je me tourne de nouveau vers Anaïs, la fixant, un sourire flottant sur mes lèvres. « Alors, c’est quoi l’genre de formation qu’on peut dispenser ici ? » Trop curieuse ? Moi ? C’est pas impossible. Mais vu le coin où on est, j’ai beaucoup trop d’options qui me viennent pour que ça soit pas en train de me titiller un peu.

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