BIOChapitre 1 : graine du malin • 0-6 ans (1984-1990)
Orihime se souvient de son enfance comme d’un sommeil long et difficile. La grande maison en bord de mer, sur la péninsule de Long Island à l’Est de New York City, était vide en permanence. Son père était souvent « au travail » et sa mémoire avait effacé tout souvenir de sa mère. Il n’y avait qu’une photo, trônant sur le buffet de marbre du salon ; celle d’une femme magnifique, au teint de craie et aux cheveux de jais. Il y a quelque chose de féroce dans son regard et une pliure intelligente dans son sourire. Hiroko, son père, lui a raconté qu’elle est morte dans un accident alors qu’elle était enceinte de son petit frère.
Orihime a donc grandi élevée par Shizune, sa grand-mère. Une femme minuscule mais vive comme si elle n’avait jamais cessé d’avoir trente ans. C’est elle qui l’a vue faire ses premiers pas à tout juste onze mois, c’est elle qui l’a vue faire ses premières phrases impeccables avant trois ans, c’est elle qui a vu son intellect se développer à une vitesse effrayante, et c’est elle qui se réveille presque chaque nuit pour ses terreurs nocturnes. L’enfant confie ses songes effroyables, peuplés de monstres difformes qui la pourchassent à travers une toile de décors phantasmagoriques. Ces chimères l’appellent, la suivent, l’attrapent, puis se nourrissent de ses entrailles ou la jettent dans un brasier. Parfois, elle ne parvient pas à se réveiller avant que toute sa chaire n’ait été consumée, et elle flotte dans un océan de ténèbres pure, sonnée d’une souffrance terriblement réelle.
Elle a vu une tripoté de docteurs, du généraliste au psychiatre, mais aucun n’a détecté d’anomalie neurologique ou somatique capable d’expliquer ces cauchemars répétés. Un soir, à l’issue d’une séance qui lui a valu de se faire prescrire un médicament supposé l’aider à dormir paisiblement, les monstres ont été remplacés par une ombre unique. Elle n’a pas de forme distincte, ses contours sont flous, sa voix vibre telle la cacophonie d’un millier d’autres.
Tu es à moi.
Aucun de ces stratagèmes humains ne t’aidera.
Ici.
Tu es seule.Orihime n’a jamais su
qui était cette voix, mais dès lors, les cauchemars empire. Les créatures se font plus sournoises, et lui tendent des embuscades dans des tableaux qui l’amenent à baisser sa garde. Il lui arrive de se réveiller plusieurs fois par nuit, blanche de terreur. Parfois, une souffrance imaginaire la poursuit toute la journée et de la retrouve au sommeil suivant. Inlassablement, c’est Shizune qui vient la réconforter et la berce d’une voix aussi chaude que ses étreintes. Est-ce le hasard de la génétique ou l’épuisement d’une aînée cassée par des nuits d’insomnies au chevet de sa petite-fille ? Le question se pose, lorsque la vieille femme succombe d’un AVC au lendemain des 6 ans de Orihime.
Le jour de son incinération, l’enfant fuit la réception familiale pour s’aventurer dans la chambre de son aïeule. Le besoin de sentir sa présence, sans doute. Elle trouve une lettre, rangée dans un tiroir, rédigée en japonais. Bilingue depuis toujours, Orihime n’a pas de mal à lire les mots qui s’adressent à son père :
- Spoiler:
« Hiroko,
Je t’ai toujours dit que ne m’immiscerai pas dans tes affaires, tu as pris la suite de ton père et fait fructifié son travail avec honneur. Je ne te reproche rien ; toutefois, je me dois de t’alerter sur la santé de ta fille.
Orihime est une enfant merveilleuse, douée, intelligente, beaucoup plus qu’elle ne nous le laisse soupçonner. Mais elle souffre. Ses nuits sont hantées par des cauchemars contre lesquels la médecine ne peut rien. Je pense qu’elle a besoin de son père, de sa force, de son soutien spirituel. J’ai conscience que tu la fuis aussi parce qu’elle te fait penser à Kimiko, elle lui ressemble terriblement. Mais je te supplie de ne pas laisser un fantôme prendre plus de place que ta propre enfant. Les morts sont là où ils sont, ce sont les vivants qui importent.
Je suis fatiguée, je ne suis pas éternelle, et au-delà de ses rêves, Orihime m’inquiète aussi par son regard. Ses yeux ont quelque chose, je le sens. Quelque chose de mauvais qui dort, malgré l’éducation que je lui prodigue. Il te faut participer à son enseignement, lui donner un cadre, qu’un homme ferme lui serve de tuteur. Sans quoi, j’ai peur qu’elle ne pousse pas correctement…
Respectueusement,
Shizune Hasegawa. »
L’enfant, bouleversée par ces écrits, n’a jamais montré le courrier à son père et la réduit en morceaux qu’elle a jeté dans la cheminée. Qu’est-ce qu’ils ont
ses yeux ? Elle a longuement fixé dans un miroir la profondeur insondable de ses prunelles noir onyx. Deux gouffres sans fond, sans lumière, et luisant pourtant d’une malice pure. Elle a souri.
Chapitre 2 : tige crochue • 7-13 ans (1991-1997)
A la place de sa grand-mère, c’est une fille au pair qui s’occupe de Orihime. Une jeune japonaise qui ne parle pas un mot d’anglais, lointaine cousine de la famille. Elle s’appelle Sakura. Celle-ci a 18 ans et bien qu’elle tente de le réprimer, elle ne peut cacher certaines réactions de malaise lorsque l’enfant la fixe trop longtemps. Parfois, sa simple présence la fait frissonner, sans qu’elle ne sache l’expliquer, alors elle ne s’en plaint jamais.
Les cauchemars ont continué, mais sans Shizune pour les affronter avec elle, Orihime a dû se débrouiller seule. Aux alentours de 8 ans, ses nuits deviennent de plus en plus calme. Non pas car les songes cessent, mais parce qu’elle apprend à dompter la peur. Peu à peu, elle est immunisée à ce poison, et elle
comprend. Le mécanisme sadique de ses cauchemars, les stimuli qu’ils provoquent, les secrets qu’ils cachent. Et une fois, plutôt que des monstres, c’est de nouveau l’ombre qui vient à sa rencontre. Cette fois, elle se révèle et prend la forme d’un tapir. C’est l’une des apparences du
baku, la créature folklorique nipponne qui se nourrit des rêves et des cauchemars.
Je te félicite.
Tu es prête maintenant.
A m’écouter.
Le veux-tu ?Orihime n’a pas répondu, elle s’est réveillée instantanément.
Parallèlement à ses batailles nocturnes, l’entrée au Primaire a marqué sa différence avec ses autres. Excellente élève, elle est aussi mise à l’écart de la vie sociale de la classe. Les autres l’évitent, elle leur faire « peur ». Ils n’ont pas besoin de le dire, elle le
sait. Même ses enseignants ont du mal avec elle, bien qu’ils redoublent d’efforts hypocrites pour l’intégrer. Ils y sont bien obligés, car son père arrose généreusement cette école privée pour qu’elle lui prodigue « une éducation à sa hauteur ». En vain, car l’impression qu’elle sourde est légère mais généralise, et
ça lui plait. Elle aime ce sentiment d’inspirer de la crainte et la tranquillité qu’il lui apporte.
Aux alentours de ses 10 ans, Orihime se met à épier les activités de son géniteur à la maison. Ses collègues sont fréquemment de passage, alors elle se faufile hors de sa chambre pour écouter aux portes. Elle ne comprend pas tout, ça parle beaucoup d’argent, de transactions, de rendez-vous, de concurrents. Rien d’incohérent puisqu’Hiroko lui a dit gérer une entreprise « d’import-export ». Pour une enfant, c’était un terme suffisamment compliqué pour que ça ressemble à quelque chose d’important.
A partir de ses 13 ans, elle commence à noter certains détails. Les gants noirs que portent certains collaborateurs de son paternel, l’arme de poing qu’il cache sous clef dans sa chambre, les mallettes qui s’échangent parfois discrètement dans le salon. C’est à cette époque que pour la première fois, Hiroko Hasegawa l’appelle à ses côtés en public. Il la fait venir dans le salon, se poste derrière elle, mains sur les épaules, et la présente à la « famille ». Des dizaines de types, d’âges variés, bien portant, élégants, tous nippons, sauf un : Deacon. Blond comme les blés, grand, froid, c’est le seul qui regarde Orihime sans être sensible à ses prunelles – il la met même intuitivement mal à l’aise. Elle trouve ça aussi intriguant qu’agaçant. Devant tout le monde, le père de Orihime la qualifie de « petite maligne intelligente et appliquée ». Après tout, en dépit de ses défaillances sociales, elle a toujours eu d’excellents résultats en classe. Avec la solennité qui le caractérise, l’aîné affirme sans sourciller que puisque son fils lui a été
enlevé, ce serait elle la relève du clan Hasegawa. C’est un moment assez irréel. Plusieurs de ses collaborateurs hochent respectueusement la tête, Deacon a souri, et un dernier, petit et trapu, a fugacement fait la grimace. Orihime a scanné son visage, pour ne pas l’oublier. Et elle a aussi remarqué les deux doigts qui lui manquent à la main gauche. Un jour, il la respectera.
-
Elle a déjà le regard de l’emploi, commente une grande perche séduisante coiffée d’un catogan.
Elle se contente de sourire à son tour.
Chapitre 3 : arbrisseau vénéneux • 14-18 ans (1998-2002)
Les cauchemars ont totalement cessé. Ne lui reste plus que de réguliers songes indicibles d’intensité. Elle ne se souvient jamais des images, seulement du bouillon d’émotion qu’elle y a ressenti. La soif de conquête, l’ambition, le pouvoir. Orihime veut
plus. Être la première de la classe ne lui suffit pas. Elle voudrait que ses camarades l’écoutent, lui obéissent, la craigne. Son goût pour l’inconfort qu’elle provoque ne fait que grandir avec l’âge, sans qu’elle ne sache pourquoi. Elle se glisse dans la peau d’une « gothique », étiquette qui sied parfaitement à ce que les autres voient d’elle.
Le jour de ses 15 ans, Hiroko la convoque dans son bureau privé. Il estime qu’il est temps qu’elle apprenne ce que fait réellement sa famille, car plus tard, ce sera à elle de faire perdurer la tradition. Ce sera doublement difficile lui assure-t-il, car elle est une fille, mais il préfère transmettre le fruit d’une vie de travail à une personne de son sang qu’à l’un de ses gars, aussi fidèles soient-ils. D’autant qu’ils ont raison : elle a
quelque chose. Elle ira loin. Sur le coup, l’adolescente ne comprend pas. Puis… elle comprendre tout.
A cet âge, elle n’est plus naïve. Elle sait ce qu’est la mafia, elle sait que c’était illégal. Pour être honnête, cela fait plusieurs années qu’elle a deviné, inconsciemment. Il plane dans la maison une atmosphère qu’elle n’a senti nulle part ailleurs. Le parfum de l’interdit, du crime, des mauvaises énergies. Le nid d’un
Oyabun. La jeune fille a droit à un cours d’histoire : Hiroko est le descendant d’une génération venue aux USA après la guerre, pour étendre l’influence de la mafia japonaise en Occident. Il a mérité son empire en jouant un rôle déterminant dans une période de conflit avec des gangs hispaniques. A l’issue de cette victoire… il a gagné un trône mais perdu sa femme et son fils. Orihime est restée sans voix. C’était revenu comme un flash. L’image fugace d’une gerbe de flammes, dans la rue qui longe leur indécente propriété. La voiture de sa mère enceinte de six mois, piégée…
Et si son père use d’images pour raconter le pire, les cauchemars reviennent lui faire vivre le drame avec une cruauté décuplé. Elle passe des nuits à entendre Kimiko brûler vive sans pouvoir l’aider, et même pas Sakura n’est plus là pour l’entendre se confier au petit matin. Orihime combat le méandres de son enfer onirique seule, jusqu’à ce que le brasier soit absorbée par un océan noir qui s’étend à perte de vue. Impossible de voir le fond, mais elle a de l’eau jusqu’aux mollets. Le
baku est de retour, ses pattes se posant à la surface sans jamais s’enfoncer.
Cette fois,
es-tu prête à m'écouter ? Sa voix est étrange. Ethérée, presque informulée. Pourtant, elle l’entend distinctement.
-
Est-ce que vous existez ? Peut-être.
Ou peut-être ne suis-je qu'une part de ta conscience
à laquelle tu n'accèdes que via tes rêves.
Est-ce important ?-
Non. Tu m'as appris à ne plus avoir peur.Oh, belle enfant.
Tu es encore pétrie de peur.
Le jour où tu commenceras à ne plus avoir peur…
c'est le jour où tu incarneras la Peur elle-même. A partir de là, sa vie ne fut plus jamais la même.
D’abord, Orihime se sent investie d’une mission qui transcende les perspectives ennuyantes que lui promettent ses professeurs. Avocate, doctoresse, ingénieur… rien ne l’attire ; ces métiers n’ont pas de
goût. Le tapir a raison : une part d’elle est encore terrifiée, pétrifiée à l’idée que l’idylle s’arrête avant d’avoir commencé : chaque fois que les sirènes de police retentissent au loin, elle craint que la police ne vienne embarquer son père et démanteler le réseau. Dans le même temps, elle comprend l’importance de ne pas rester isolée. Orihime se force à combattre ses envies de domination pour se lier avec quelques personnes. Rares, certes, mais elles semblent moins gêner par son aura et ses regards depuis qu’elle fait l’effort de les réprimer. Certaines d’entre elles lui font des impressions bizarres, comme… comme une odeur captée directement par son subconscient. Impossible de savoir pourquoi.
Il faut dire que s’essayer à la vie adolescente n’est pas qu’une mauvaise expérience. Orihime découvre les soirées, boit, fume, se drogue, et perd sa virginité avec un garçon dont elle a oublié le prénom. Elle s’amuse de cette débauche interdite, se vautre dans une luxure juvénile, se gave de ces vices dont elle est si longtemps restée éloignée. Mais malgré cette nouvelle vie, rien n’arrive à la hauteur de la
peur. Chaque fois qu’elle se laisse aller, qu’elle cesse de réprimer cette
pression qui veut jaillir de son corps, elle voit les regards interloqué qu’on lui jette, elle voit les visages qui se décomposent ou se détournent, et elle s’en délecte.
Dès ses 16 ans, l’adolescente assouvie ses pulsions en terrorisant les élèves de
freshman. Elle y a goûté une fois et n’a juste plus pu s’arrêter. Elle les isole dans un coin, les fixe de ses prunelles insondables et leur susurre des menaces destinées à les intimider. Le pire, c’est que dans la plupart des cas, elle n’utilise pas ce qu’elle leur rackette : elle le fait pour le sport. L’administration ferme longtemps les yeux, toujours sous l’emprise du porte-monnaie Hasegawa, mais ce qui devait arriver arriva : lorsqu’on joue la prédatrice, on attire d’autres alphas avides de prouver leur force.
A la fin de l’année, Hiroko est convoqué pour le comportement de sa fille, qui s’est battue avec un de ses camarades. Elle qui pensait n’avoir plus peur de rien, s’est ratatiné devant l’écrasant charisme de son père. Il est resté silencieux et respectueux devant le proviseur, assurant que ça ne se reproduirait pas. Dans la voiture, il ne dit rien mais ses jointures blanchies par la pression de ses mains sur le volant en disent long. Juste avant d’arriver à la maison, Orihime se pose la question :
va-il la tuer ? Non. Heureusement non, mais elle a droit au pire savon de sa vie. Comme quoi elle devient idiote et irresponsable, que c’est indigne de sa famille de se comporter de la sorte. Elle le représente, elle représente le clan partout où elle est, et personne ne veut être représenté par une gamine qui se bat comme une chiffonnière pour des enfantillages. Il veut la revoir dans le droit chemin, première de la classe et avec une sacrée bourse à la fin de l’année. Pour prendre sa relève, sa fille ne saurait être ni stupide, ni ignare.
C’est humiliant, mais elle a retenu la leçon. Le vrai
pouvoir, celui qui forge les souverains modernes, ce n’est pas le vice facile, ni les actions à la portée de n’importe quel idiot de son âge. L’ascension jusqu’au sommet est un marathon d’alpinisme, et elle compte bien gravir cette montagne à la force de ses mains.
Hiroko n’a pas eu besoin d’un autre coup de semonce pour qu’elle se reprenne en main. A 17 ans, Orihime passe son permis et commence à apprendre à se défendre. C’est indispensable pour ce qui l’attend. Pas de club : un collaborateur de son père vient trois soirs par semaine lui apprendre le Jissen karaté – l’art martial fétiche des yakuzas quand on en vient au corps-à-corps. Quant au tir, c’est Deacon qui rend service à Hiroko : il a un contact dans une école de tir. Il la fait libérer deux heures hebdomadairement pour que la jeune fille vienne pratiquer. Elle découvre ainsi plusieurs calibres, plusieurs armes, et s’appliquait à toujours mettre dans le mille.
A 18 ans, Orihime est devenue une version d’elle-même tout en maitrise et mène l’ébauche d’une double vie. En façade, une adolescence normale qui a obtenu son diplôme du secondaire et des résultats si brillant que Yale lui ouvre les bras. En privé, elle devient la fille de son père. Quand elle ne s’entraine pas, elle pose mille questions sur le business du clan Hasegawa. Avant son départ pour le Connecticut, elle a même le droit d’assister à une réunion dans le salon familial. Cette fois, elle retint leurs noms : Akimasa, Korei, Hachiro, Kahei, Kahoru, Takanobu et Deacon.
-
Pourquoi il me fait cette impression, demande-t-elle un jour au tapir de ses rêves.
Quel est ton hypothèse ?
Réfléchis, je ne suis pas là
Pour tout te dire.-
Il est différent. Comme moi. Tu es différente, toi ?-
Oui. Je le sens. Les gens autour de moi, je peux instinctivement leur faire peur. Ça ne marche pas sur tout le monde. Mais souvent, quand ça ne marche pas, je sens que ce sont des gens différents aussi.Bien sûr que tu es différente.
Puisque je suis là. -
Vas-tu m’aider à développer de « truc » en moi ?Seulement si tu me le demandes.
Et seulement si tu fais ce que je te dis.-
Bien sûr, je le demande et j’obéirai. Je veux apprendre.Alors tu es prête pour l’étape suivante
Belle enfant…Chapitre 4 : filet du diable • 19-25 ans (2003-2008)
Bien que partie à Yale, la jeune femme s’inscrit dans un club de tir pour ne pas perdre son niveau. Elle s’applique toutefois manquer exprès la cible à plusieurs reprises, pour ne pas que sa maîtrise éveille les soupçons. En parallèle, elle apprend. Via ces étranges songes lucides, le tapir lui enseigne comment mieux canaliser son pouvoir et surtout, comment le renforcer : plus elle répandra
sa terreur, plus elle deviendra puissante. Mais surtout, il y a une étape qu’elle devra franchir un jour : tuer pour lui.
Durant les trois premières années de ses études, elle suit les activités de la famille de très loin, mais profite de chaque vacance pour assister son père. C’est comme un long « stage » qui ne se termine pas. Elle est initiée plus spécifiquement à la hiérarchie et au respect qu’il ne faut jamais bafouer dans leur chaine de fonctionnement. Et lors de ses rares fenêtres de détente, Orihime multiplie les soirées étudiantes et les relations éphémères ; celles où on agit et où on parle peu.
Sa vie change l’été après ses 21 ans. Elle connaît toute la théorie sur le business de son clan, sur les yakuzas, sur les tensions avec les autres gangs ; elle a besoin de concret. Enfin alors, Hiroko lui fit passer sa cérémonie d’initiation, faisant d’elle officiellement un membre du groupe. Quelques jours plus tard, Orihime est sur le terrain, entourée de
shatei une arme sous le manteau. Elle doit servir de guetteuse pendant une transaction d’armes qui se tient dans un vieil entrepôt désaffecté. Au coin de la rue où elle veille, elle grille une clope pour feindre la nonchalance, alors qu’elle est partagée entre excitation et appréhension. Si ça tourne mal, ce sera de vraies balles qui s’échangeront…
Mais ça fonctionne. Elle réitère l’opération une fois, deux fois, cinq fois. Jamais au même endroit et aucun problème à déclarer, sinon une petite tension avec un gang de la mafia chinoise, une fois. Elle garde un souvenir étrange de cette nuit où la discussion s’est envenimée autour d’une parcelle de territoire. Les deux camps n’étaient pas d’accord sur son propriétaire légitime. Et soudain, les yakuzas se sont résignés et ont fait dos rond. Orihime est persuadée qu’il s’est passé quelque chose qu’elle ne peut pas comprendre, ni voir. L’émissaire de ce groupuscule chinois, il lui laissait aussi une drôle d’impression. Volontairement ou non, le tapir est muet là-dessus. Mais elle capte désormais des nuances dans toutes ces intuitions, et elle est certaine d’une chose : ceux et celles qui déclenchent ce sixième sens sont
différents.
L’été suivant, Orihime est de retour dans sa peau de guetteuse. Une grosse affaire parait-il, une entreprise militaire privée a besoin de stocks non enregistrés pour quelques contrats « discrets ». Autrement dit : du mercenariat, mais ce n’est pas le problème du clan. Ce qui constitue un désagrément toutefois ? Les ombres mouvantes que Orihime perçoit sur les bâtiments et conteneurs du quai qui servent à la transaction.
Les flics.
Grace à l’alerte donnée par la fille Hasegawa, tous les cadres présents peuvent se barrer avec la marchandise mais elle, elle est plaquée au sol et embarquée avant d’avoir pu se défendre. Pour la première fois de sa vie, elle goûte à la garde-à-vue, aux interrogatoires, aux promesses et aux menaces du système judiciaire. Orihime reste de marbre. Roc inébranlable, incassable ; son père compte sur elle, son totem onirique l’observe. Hiroko ne le montre pas, mais il est fou de rage. Il parvient à faire passer un message à sa fille : il faut qu’elle tienne bon. Le clan a été vendu, l’avocat grassement payé fera de son mieux. Et le mieux, c’est 3 ans fermes. A 22 ans, elle est jetée dans la jungle de la prison, comme un jeune chiot de combat dans une arène de fauves. Son nom lui vaut un minimum de respect, mais Orihime refuse la protection d’un trio de dealeuses japonaises appartenant aux sphères inférieures du clan Hasegawa. Elle ne se cachera pas.
La première année est terrible. Son aura maintient les petites frappes à distance, mais les grands requins ne demandent qu’à bouffer d’autres carnivores. Prise entre l’étau de la mesquinerie des gardiens et la férocité de ses codétenues, elle déguste. Orihime se défend toujours ; elle connaît le trou comme sa maison et l’infirmière l’a rafistolée plus d’une fois. Elle perd beaucoup de bagarres, mais elle en gagne aussi. A plusieurs reprises, il faut l’arracher à sa victime recroquevillée sous ses yeux. Chaque fois, la peur au fond des prunelles des témoins la galvanise.
Elle en veut plus !Et puis, la seconde année, il y a eu Magda. Une ex-soviétique au crâne rasé, le corps tendu d’une musculature nerveuse. La première fois qu’elles se sont retrouvées face à face, la jeune yakuza l’a immédiatement senti : elle lui évoque les mêmes impressions que Deacon. Personne ne sait trop pourquoi elle est là, car elle ne cause pas. Les rumeurs vont bon train, certaines racontent qu’on l’a introduit dans le bloc pour qu’elle assassine Orihime, une autre version raconte qu’elle a une aversion pour « les jaunes » et qu’elle les fracasse pour le sport, une autre dit simplement qu’elle est tarée. Quelle que soit la bonne raison, il n’a suffi que d’un prétexte pour que Orihime se trouve prise à partie au retour d’une promenade. Ça part vite et fort. Les poings de Magda sont comme autant de massues qui lui matraquent les organes. La jeune mafieuse réplique comme elle peut, mais un crochet au visage la désoriente totalement. Deux coups de surin dans le ventre, et là seulement les gardiens arrivent. Trop tard.
Elle a cru être morte, car elle s’est sentie dérivée une éternité dans le décor mouvante d’un univers délabré. Orihime y revoit les monstres de son enfance, mais ils paraissent ridicules et grotesques. Ils s’effacent, meurent dans le néant, et le tapir finit par apparaître.
Souhaites-tu mourir,
Belle enfant ?-
Non.Alors lève-toi,
Et venge-toi.-
Cette femme est trop forte, je n’ai aucune chance. Tu me déçois.Et il est partie, l’abandonnant seule à son coma.
De retour en cellule, après un bon mois de convalescence, Orihime n’a toujours par revu le
baku. Elle a beau l’appeler en rêve, exprimer sa détermination, mais il refuse d’apparaître. Tant pis, elle fera sans lui. Ça lui demande de longs mois d’observation pour comprendre d’où Magda tire sa force incommensurable. Elle analyse ses habitudes, ses obsessions, ses besoins… et il se trouve qu’elle ne peut se passer de drogues. Courant en prison, et ça circule en dépit des gardiens. Mais ce qui change, c’est qu’elle consomme toujours peu avant d’embrouiller quelqu’un et au lieu d’être shootée, elle parait plus forte que jamais.
Orihime décide de ne pas riposter frontalement. Grâces aux trois japonaises de son bloc, elle peut faire sortir un message pour les Hasegawa qui résume sa situation et ses besoin. Contre toute attente, c’est Deacon qui est dépêché pour faire entrer en douce ce dont elle a besoin. Il vient au parloir le jour où son « colis » est arrivé, et Orihime le trouve particulièrement
heureux de lui rendre ce service. Son sourire prend des inclinaisons sadiques quand elle le quitte, sur la promesse de laver le clan Hasegawa de cet affront. Deux jours plus tard, la nipponne se rend dans le placard que Magda utilise pour se piquer quotidiennement. Celle-ci est prostrée sur le sol, secouée de spasmes. Ses yeux s’arrondissent quand elle découvre Orihime. Un grand sourire carnassier lui fend le visage, et s’élargit à mesure que les flammes de la peur s’allume dans les prunelles de sa victime. Empoisonner sa came, une solution bien plus efficace que ses poings. Après avoir admiré son œuvre, la jeune femme s’en est allée. Les gardiens ont retrouvé le cadavre trois heures plus tard. Et la nuit suivante, le tapir est revenu.
J’ai aimé ton art.
Je peux consentir à accroitre légèrement tes dons.
Mais attention…
Ne me déçois plus.Dès lors a commencé le règne Hasegawa sur la prison. La disparition de Magda lui est attribuée, sans qu’elle ne dise rien, et son aura naturelle glace l’essentielle des autres détenues. Dans un microcosme où seul le plus fort se faisait entendre et respecter, elle se taille sa place avec voracité. A 24 ans, son influence carcérale est pratiquement indiscutable. Et elle ne manque pas de cible à intimider, qui n’oseront pas moucharder sur ce qu’elle leur fait subir. C’est finalement un excellent laboratoire, pour nourrir sa faculté…
A 25 ans, Orihime a définitivement quitté le monde de l’innocence et de la naïveté. Les cheveux courts, les yeux durs, elle sort transformée. Elle a fait la fierté de son père et de son clan, mais son retour à la vie extérieure est néanmoins la seule bonne nouvelle : les Hasegawa sont en difficultés. Jugulés par les hispaniques et les chinois, harcelés par la police, les affaires vont mal. La moitié des
kyodais sont en taule, l’autre moitié est à couteaux tirés à cause de la suspicion de plus en plus prégnante qu’un rat les détruit de l’intérieur. Orihime prend sa décision sans attendre : elle renonce à reprendre des études et se fait embaucher dans l’entreprise écran de Hiroko. Officiellement, elle est secrétaire au service juridique – un poste idéal pour montrer patte blanche lors de son suivi judiciaire. Officieusement, elle se mouille jusqu’au cou. Elle n’a plus peur du terrain, elle n’a plus peur des affrontements, elle n’a plus peur de la prison. Elle n’a plus peur de rien.
Chapitre 5 : Impératrice des ronces • 26-34 ans (2009-2018)
Vient l’année 2009. Il a fallu un an à Orihime pour démasquer la vipère. Une longue année à fouiner, enquêter, manipuler, espionner, brutaliser, usant parfois de moyens détournés et, surtout, de son aura surnaturelle. Au niveau des
shatei, c’est-à-dire celui des gangs au contact direct de la rue, on commence à la craindre plus que son père. On raconte qu’elle a les yeux et l’aura d’un
oni, que quiconque oserait la défier se retrouverait maudit ou mort. Voire les deux. Des fables de gangsters superstitieux, mais elle s’en sert pour sa cause.
Le traître alors ? Takanobu et quelques petites mains. Un
kyodai de longue date et ses fidèles, qui ne supportaient pas l’idée qu’une « fille leur prenne ce qui leur revient de droit ». Ils ont alors fait un pacte avec les hispaniques : contribuer au démantèlement des Hasegawa de l’intérieur pour leur permettre de reprendre le marché et tenir tête aux chinois. Hiroko, Orihime, Deacon et trois lieutenants fidèles n’ont besoin que de 7 jours pour monter un coup qui tient la route. En une soirée, ils enlèvent les quatre traitres pour les trainer au sommet du chantier endormi d’un gratte-ciel. Avec eux, leurs familles respectives : femmes, enfants, parents, frères et sœurs.
Cette nuit si particulière, Orihime sent la présence du
baku à ses côtés. Elle l’entend, même s’il ne prononce pas un mot.
Tue. Oh oui, elle va le faire. La tradition aurait voulu que les coupables se suicident au sabre mais… c’était trop pour le peu d’honneur qui leur reste. La jeune femme commence par l’une des petites frappes à la botte de Takanobu. Elle fait venir devant lui sa fille de six ans, son visage poupon baignée de larmes. Les suppliques ne lui font rien. Elle pose une main sur le crâne de l’enfant, demandant d’une voix lente et glacée, dans un japonais impeccable :
-
Reconnais-tu ton erreur ? -
Oui, oui, oui…-
Es-tu prêt à te racheter pour le clan ? -
Oui ! Maître Hasegawa, je suis désolé, je…-
C’est à moi que tu t’adresses, pas à mon père. -
P-pardon madame ! Je… je ferai ce que vous voulez. J’ai péché par cupidité, prenez ma main, mais épargnez ma fille s’il vous plait. Il s’incline, embrasse le sol à ses pieds en guise de soumission, c’en est presque attendrissant. Orihime laisse passer un flottement, pour que plane le doute de son indulgence. Puis le monde bascule en une fraction de seconde. Son couteau-papillon virevolte entre ses mains habiles, dévoilant une lame aiguisée qu’elle plante férocement dans la poitrine de l’enfant. Son hoquet de douleur est couvert par les hurlements d’animal blessé que pousse son père. L’engeance ne s’arrête pas là, elle frappe encore, encore, et encore, penché sur le corps effondré de l’enfant. Elle cesse lorsque la robe bleue de la gamine est imprégnée d’un rouge sombre et poisseux. Ça pue le sang qui lui macule les mains et lui a éclaboussé le visage, mais ça sent bon la
frayeur. En levant ses yeux déments sur l’assemblée, Orihime voir la peur à l’état pur. Chez les traîtres, chez leurs proches et même dans son propre camp.
Cette nuit-là, elle s’est gavée. La terreur, la mort, comme deux drogues dures qui exaltent son âme. Plus puissantes que l’alcool, la cocaïne ou le sexe. Ses dons s’accroissent, sa faim de pouvoir aussi. Les corps sont jetés dans la fosse et coulés dans le ciment des fondations de cet immeuble à venir. Là, ils sont abandonnés à leur sommeil maudit. Personne ne dit rien sur le chemin du retour et Deacon… il lui jette un drôle de regard.
En 2011, la Révélation change tout. Absolument tout. La conception du clan, de son poids potentiel dans le monde de la nuit, tout est remis en question. Ils ne sont pas en concurrence qu’avec les gangs rivaux, mais aussi avec les vampires, des créatures mystiques, immortelles et virtuellement invincibles. Hiroko Hasegawa, dont l’âge avance et que les récentes années ont épuisé, préfère changer de branche et troquer les armes contre l’immobilier. Les récents crash successifs ont ouvert des brèches dans le système que sa famille pourrait, à ses yeux, exploiter. Plus ambitieuse, toujours plus avide de pouvoir, Orihime refuse de bifurquer vers des activités plus herbivores. Elle n’a plus l’âge d’être paternée et sa férocité, tout comme son leadership, ont été prouvés depuis sa sortie de prison. L’
Oyabun accepte donc de lui laisser une chance : lui, mise sur l’autre bout de l’état, où Los Angeles connait une flambée des loyers sans précédents depuis 2009. Les familles et les commerces les plus modestes sont en grosse difficulté et seraient prêts à tout pour se faire épauler, quitte à miser sur la mafia. En parallèle, sa fille garde le territoire de New York et une partie de ses hommes pour apprendre à voler de ses propres ailes. Son pari est simple : parier sur l’affolement général pour proposer des services de protection, d’abord. Les gens sont prêts à payer généreusement, rien que pour la sensation d’être en sécurité. Les ventes d’armes s’envolent, le clan Hasegawa fille décuple sa richesse.
En 2012, Orihime s’inspire de son père pour blanchir tout cet afflux d’argent sale. Ce dernier lui achète un premier hôtel de luxe à l’Upper West Side de Central Park, dont elle se déclare gérante. Elle lui rembourse, évidemment, et fluidifie ses liquidités dans les comptes facilement falsifiable ; la clientèle fortunée donne des pourboires sans arrêt, et ce sont autant d’entrées d’argents dont le fisc ne peut contrôler l’exactitude.
Deux ans plus tard, Orihime Hasegawa se fait remarquer sous deux visages. Publiquement, elle possède trois établissement luxueux à New York, réputés pour la qualité irréprochable de leurs services. Dans l’ombre, son nom a presque effacé celui de son père. On l’appelle « la Joō » : « la reine ». Ceux qui l’ont rencontrée parle de la peur qu’ils ont ressenti : elle dégage quelque chose qui fait perdre ses moyens et incite à baisser les yeux. On conte ses légendes criminelles, souvent plus fausses que vraies, mais elle ne dément jamais. Dans ses rêves, le tapir revient presque tous les jours : il lui a révélé qu’elle est aussi ce que les humains appellent une « CESS ». Tout ce qu’elle ressent, tout ce dont elle est capable depuis sa jeunesse, ce sont des dons innés. Le don de la peur.
Sais-tu réellement qui tu es ?
La puissance que tu as ?-
Je ne suis pas au bout du chemin. Je ne fais que commencer.La peur…
C’est l’émotion la plus primale, la plus ancienne de l’Homme.
Avant la joie.
Avant la colère.
Avant la peine.
Avant le dégoût.
Il y avait la peur.
Pourquoi penses-tu que dès que les Hommes ont « cru »
Ils se sont inventés des dieux aux punitions cruelles ?
Pour la peur.
Car seule la peur tient les gens en laisse. Au fil des années, l’expérience rend Orihime douée en affaire et implacable dans le monde de la pègre. De plus en plus, elle reçoit des demandes d’armes en argent ou autre matière capables de blesser des vampires et des loups-garous. Sa gamme se développe, du push dagger discret aux sabres japonais, en passant par les armes feu classiques et les arbalètes. Elle-même se fait forger un wakizashi gravé à son nom, dont elle apprend la maitrise. Une lame prévue pour empaler le cœur d’une créature, quelle qu’elle soit, et la tuer. Son entrainement personnel n’a jamais été si intensif, bien qu’elle se tienne désormais loin des affrontements de rue. L’engeance aime se savoir indépendante, et savoir que même si elle est en permanence accompagnée de garde du corps, elle peut se défendre seule. Pour accompagner le développement de ses activités, elle embauche des « indics » : vampires, loups-garous, arcanistes, sans clans pour la plupart. Ils l’instruisent sur leurs mondes respectifs en échangent de services.
Afin de mieux dissocier les activités criminelles de son organisation de sa propre personne, le nom des Hasegawa n’est plus utilisé dans toutes les entreprises illégales. Le réseau de yakuzas qui gangrène le revers de New York est connu comme « le clan
baku », et son symbole est un tapir. La police a une difficulté folle à l’enrayer, au mieux retarde-t-elle les plans de cette mafia vorace, mais les diverses strates sont tenues avec rigueur, discipline et organisation. A la loyauté traditionnelle des yakuzas s’est ajouté la peur mystique qu’inspire le simple nom de Orihime Hasegawa. Chaque homme, chaque femme, des
shatei au
wakagashira, la craint bien plus que la justice et la prison.
En parallèle de cette nouvelle vie, l’engeance fait la connaissance de Goichi Ryuzaki. C’est le propriétaire d’une société de taxi dans le déclin, que la yakuza désire racheter. Elle a en tête un réseau de VTC de luxe, moderne et 0 carbone. C’est son discours commercial en tout cas. Elle a évidemment en tête une utilité pour ses affaires, mais dans l’immédiat, c’est aussi l’homme qui retient son attention. Goichi ne baisse pas les yeux, ni ne tique sous la pression de son aura surnaturelle. C’est un arcaniste, elle le
sent. Orihime est frustrée de ne pouvoir emporter ce bras de fer, mais dans le même temps… il est intriguant, intéressant, séduisant. Les années n’ont pas encore effacé son goût pour les besoins primaires de son corps de femme, et l’accord signé se fête sur l’oreiller, après une cuvée de champagne haut-de-gamme.
Il en redemande, et elle daigne lui accorder de son temps. L’engeance prend goût à ce
jeu de domination autant physique qu’intellectuel. Dans les affaires, Goichi n’entend pas se laisser faire, même si 63% de sa compagnie appartient à Orihime. Dans l’intimité, ils s’épanouissent avec une férocité gourmande, multipliant les expériences libérées, extrêmes, totales. De celles qui laissent des marques délicieuses et se savourent parfois avec drogue et alcool. Ils n’emménagent jamais ensemble, mais sont de facto
en couple. Leur duo fonctionne à tout niveau, y compris le surnaturel : elle comprend les émotions d’autrui avec une froideur d’analyste, il manipule les ressentis des autres parfois plus que de raison.
Argent.
Pouvoir.
Sexe.
La vie de Orihime est comblée.
Mais elle n’en a pas assez.
L’année 2018 marque un tournant. Le tapir de ses visions revient visiter ses rêves avec une injonction qui ne se discute pas :
Rends-toi à Shreveport.
En Louisiane.
Sois une bonne fille.
Ton pouvoir grandira.
Tu as ma parole.-
Je veux un échantillon maintenant, ose-t-elle négocier.
Le
baku disparaît.
Dès le lendemain, les cauchemars reprennent avec une violence qu’elle n’a jamais connu. L’engeance pensait avoir atteint le sommet de la chaîne alimentaire, ne plus avoir peur de rien, mais ses plus épouvantables ennemis sont à l’intérieur. Elle sombre dans des nuits sans repos, où chaque minute de sommeil est une éternité d’horreurs. Chaque vie qu’elle a prise revient sous la forme de monstres si difformes, si abominables, que leur simple apparence lui fait perdre la tête. Ces créatures la brûlent, la dépècent, l’éviscèrent, la dévorent, désossent, la violent, dans des ordres qui varient à chaque fois. Et de temps en temps, il n’y a ni croquemitaine, ni violence, ni horreur. Seulement les ténèbres et le vide. Orihime est prisonnière, sans pouvoir s’échapper, et l’attente semble durer mille vies. Elle hurle à s’en briser les cordes vocales, se mord, se frappe toute seule, rendue démente par l’ennui, mais son supplice silencieux ne prend fin que lorsque son geôlier invisible l’a décidé.
Hasard ou pas, mais pendant cette période, ses « affaires » subissent de nombreuses déconvenues. Une partie de son effectif est retrouvé décimé, une telle boucherie qu’on en peut définir s’il s’agit de l’œuvre d’humains ou de CESS. Deux mois plus tard, un forcené parvient à incendier l’un de ses hôtel avant de se suicider en hurlant son nom. Rien ne semble guérir ses maux, et elle a le présentiment que jouer les fortes tête risque de la condamner, alors elle courbe l’échine.
Le terrain est étudié en quelques semaines, et à la fin de l’été 2018, elle rachète un immeuble de Downtown pour en faire un nouveau « Shizune Inn » - sa chaîne d’hôtel. Le plus difficile sera toutefois de regagner prudemment la rue, car elle n’aucune connexion dans cette ville, et les gangs sont terriblement territoriaux. Très vite, elle sera notamment introduite à Santanico Pandemonium, qui lui fait comprendre que ses activités n’ont pas intérêt à gêner les siennes. Très loin d’être en terrain conquis, et ses dons n’ayant aucune prise sur son homologue, Orihime accepte.
Pour l’instant.
Les cauchemars ont cessé et les affaires reprennent. Goichi ne l’a pas suivi, mais ils ne sont qu’à quelques heures de vol pour se vautrer dans leurs plaisirs coupables. A Shreveport, il ne faut pas longtemps pour que le trafic d’arme reprenne son essor et que les vermines succombe à la force de son clan. Certains leaders ont eu la chance de la rencontrer, et s’en sont retrouvés mortifiés par son aura de terreur brute. Le lot des rumeurs reprennent à son égard, le clan
baku devient synonyme d’une force occulte, maudite, et même s’il n’y a rien de vérifié, une cellule du PASUA commence à mener l’enquête. Orihime l’ignore pour l’instant, car elle a d’autres chats à fouetter : Deacon est aussi à Shreveport. Lui et l’énergie qu’il dégage, si semblable à celle de Santonico ou Magda autrefois. Il prétend qu’Hiroko l’a envoyé étendre leur empire immobilier en Lousiane, ce qui n’a que peu de sens pour la fille Hasegawa ; Pourquoi s’éloigner autant de leur nouveau foyer de Los Angeles ? Elle apprend qu’il n’a cessé de grimper les échelons sur la côte Ouest, il est devenu bras droit de l’
Oyabun, rien que ça. Lui, le
gaïdjin,
wakagashira. La nuit suivant sa rencontre, le tapir refait son apparition, après des mois de mutisme.
Tue-le.
Deacon Mayfair.
Tue-le.Cette fois, elle a retenu la leçon : ne pas discuter les injonctions du
baku, sous peine de vivre à nouveau l’enfer.
-
Est-il « différent » ? Tu as la réponse à ta question.
Ne fais pas l’idiote.-
Est-il « comme moi » ? Tu es ma seule reine.
Mon enfant préféré.
Tue-le.
Et tes pouvoirs s’accroitront.
Tue-le.
Et je te ferai un cadeau. Chapitre5 : ange de l’horreur • 34-35 ans (2018-2019)
23:00. Il est ponctuel. L’ascenseur arrive au sommet de son hôtel, vidé pour l’occasion, à l’exception d’un contingent entier de yakuzas. Deacon a reçu son invitation et comme convenu, il se présente seul pour « discuter d’une stratégie commune ». Orihime l’attend, droite comme un « i » dans son élégante tenue d’affaire. Son invité ne franchit pas les mètres qui les sépare, car il comprend aux dix sbires armés qui l’encerclent et lui coupent la retraite que quelque chose se trame.
-
Que puis-je faire pour toi, Orihime ? demande-t-elle avec assurance.
-
Qui es-tu ?-
Je ne comprends pas ta question. Je te connais depuis que tu es enfant. -
Tu n’es pas humain. -
Ni plus, ni moins que toi. -
Je ne peux te laisser interférer plus encore dans les affaires de ma famille. -
Ah oui ? Un grand sourire carnassier ouvre son visage buriné par les années. L’engeance sent comme un courant d’air dans l’atmosphère, une vent surnaturel qui sature l’invisible. Sous ses yeux, ses hommes sont pris d’une soudaine confusion. Ils rompent leur immobilisme, s’échangeant des regards désorientés ou fixant le néant. Alors, ils s’emparent de leurs armes comme d’un seul homme et les pointent… sur Orihime.
-
Comment ?! Qu’est-ce qui vous prend ?-
J’ai suivi tes progrès. Je sais ce que tu as fait, les stratégies que tu as adopté, la réputation que tu t’es construite. Mais tu n’aurais jamais dû t’en prendre à moi. -
C’est un ordre direct : tuez-le ! Aucun de ses sbires ne réagit.
-
Tant que tu n’étais pas en travers de ma route, j’avais décidé de t’épargner. Je crois que j’avais de l’affection pour toi, et je t’admirais. Tellement de potentiel…Il part dans un rire narquois, dardant sur elle un regard paternaliste et inquisiteur. Après tout ce qu’elle a accompli, va-t-elle mourir ainsi ? Si bêtement, en ayant sous-estimer sa cible. Hors de question. Qu’importe les moyens qu’il utilise pour faire ses fidèles changer de camp, elle peut encore les dissuader de passer à l’action. A son tour, elle débride ses dons impalpables, rayonnant d’un halo inspirant la terreur à tous ceux qui se trouvent dans son rayon d’action. Dans l’expression des sbires, il y a des frictions, des infléchissements, des tremblements. Ils ont peur, d’une façon parfaitement irrationnelle, mais leur conscience manipulée leur ordonne de continuer.
Le duel se joue alors sur un plan immatériel que l’œil humain ne peut voir. Chaque partie poussant son pouvoir, pour que son influence l’emporte sur celle de l’autre. Ils se fixent dans les yeux, tendus, concentrés. Plusieurs des yakuzas, sommairement humains, commencent à avoir des saignements de nez, figés par ce combat qui se joue de leur cerveau. Orihime sent qu’elle perd du terrain, que la puissance de Deacon commence à rogner sur la sienne. Elle puise dans ses entrailles, toute sa rage, toute sa détermination, et brusquement, elle passe un cap. Dans les yeux de ses hommes de mains, elle vient d’adopter trois paires d’ailes d’ange noires qui se déploient de part et d’autre de sa silhouette. Elle n’a plus de visage, ni de contours net, mais un camaïeu horrifique cousu de leurs terreurs les plus enfouies. Pour chacun, elle est différente ; pour chacun, elle est mystifiante. Plus les secondes défilent, plus la vision empire. Son apparence est infernale, contre-nature, hideuse, et brise les codes de la conception humaine. Intérieurement broyés par ce bras de fer invisiblement, entre l’influence de Deacon qui étouffe leur libre arbitre et celle de Orihime qui les glace de peur, les sbires deviennent fous. Ils se détournent et se mettent à s’entretuer. Le vacarme des armes automatiques couvrent momentanément tout le reste. C’est fulgurant, bref, définitif. En quelques secondes, tous les corps sont à terre baignant dans des giclés de sang, et les deux chefs se font face.
-
Je suis impressionné, souffe Deacon.
Orihime ne prononce pas un mot. Troublée par l’évolution soudaine de ce don, elle conserve ce qu’il reste de ses forces pour attraper le wakizashi sur son bureau. Elle tire lentement sa lame gravée de son fourreau. Son adversaire dévoile une dague, qu’il a évidemment réussi à cacher lors de la fouille du rez-de-chaussée. Ce combat se réglera alors dans la plus pure des traditions yakuzas : à la lame. Tout se passe très vite. Le blond a l’avantage de la force brute, mais il est plus âgé, moins agile et surtout : il manque d’allonge. Après l’avoir affaibli de trois estoques qui ont mordu sa chair, l’engeance lui enfonce son arme au travers de la gorge. Elle l’en arrache, pour mieux lui planter dans le cœur.
Orihime le toise jusqu’à ce que la vie quitte son regard, puis laisse son corps tomber au sol. Elle recule en titubant et porte les mains à sa tête.
Ça fait mal ! Que se passe-t-il ? Son crâne se fend d’une douleur atroce, sa vision se voile de rouge, son corps s’agite de spasmes et de craquements. La peau de son dos la brûlent, ses cheveux tombent, ses vertèbrent craquèlent. Cette fois, ce n’est pas une illusion. Son apparence s’altèrent : ses yeux se couvrent d’une membrane globuleuse, sa chair est remplacée par des écailles de ses reins à sa boîte crânienne, sa colonne se déforme, l’une de ses omoplates adopte une saillance disgracieuse. A son tour, elle s’effondre, assommée de souffrance. A la frontière de l’éveil et de l’inconscience, elle voit les contours du
baku. Il lui parle, et elle comprend instinctivement, malgré le sifflement qui transperce ses oreilles.
As-tu apprécié mon présent ?
Plus de puissance.
Pour accomplir tes desseins.
Régner pour moi.-
Que m’arrive-t-il ?! Ça ? Ce n’est que « toi », Belle enfant.
Ton apparence.
Ta vraie apparence,
Quand je ne t’en fais pas grâce.Et elle sombre dans un néant sans rêve, ni cauchemar.
A son réveil, rien changé. Un miroir lui renvoie son reflet hideux, inhumain, chimérique.
Pourquoi ?! Elle ne peut pas accomplir ses ambitions ainsi. Si le clan la respecterait toujours, par loi filiale, et par l’argent, elle ne peut assurer sa couverture publique ainsi. On la limogerait dans les médias, elle perdrait tout son personnel, tous ses partenaires. Qui voudrait être associé à un monstre à une période si sensible ?
C’est Goichi qu’elle a appelé. Il est arrivé dix heures plus tard, alors qu’elle s’est réfugiée dans ses quartiers privés et a distribué les ordres par téléphone. Nettoyer une scène de crime et faire disparaître des corps : une formalité pour eux. Troublée par cette malédiction, Orihime est désarçonnée de son trône et ne s’est jamais sentie aussi vulnérable. Pourtant, son compagnon n’a pas profité de son état, et il ne s’est pas détourné. Au contraire, il l’a écoutée se confier : parler du
baku, de sa relation étrange avec lui, du lien avec un pouvoir qu’elle possède depuis l’enfance. En retour, il lui a posé des questions, l’a examinée, et lui a promis de l’aider. Elle ne pense pas que ce soit possible, mais elle a apprécié qu’il le dise. Cette nuit-là, à peine a-t-elle fermé l’œil que le tapir l’attendait dans leur dimension particulière, où le temps d’existait pas.
Je n’aime pas beaucoup ça.
Que tu appelles cet arcaniste.
Qu’il s’occupe de toi.
JE m’occupe de toi.
D’accord ?
Ce que je donne, je peux le reprendre.
Et sans moi, tu n’es reine de rien.
Sans moi, tu es une enfant terrifiée.
Tue-le.
Tue-le, et je te rends ton apparence.
Je peux même ralentir ton vieillissement.
Sois-moi fidèle, obéissante,
Et tu règneras longtemps.
Mais au moindre écart,
C’en est fini de « nous ».Orihime a envie de hurler au visage de cette illusion. Oh elle va se soumettre, bien sûr, car elle a des projets et qu’elle n’a jamais choisi le cœur au détriment la raison. Mais plus que jamais, elle comprend que ce
baku l’a utilisée depuis le départ. Il n’est pas l’ange gardien qu’elle pensait enfant, ni cette parcelle de conscience qui lui servait de guide, comme elle l’imaginait plus grande. C’est une entité maligne qui vit dans son âme. C’est un
oni qui se repait de ses méfaits à travers elle. Elle terrifie en son nom, elle le gave de sang. Et c’est irrémédiable désormais : elle est sous son emprise.
Automne 2019. Le temps a passé depuis qu’elle a dû égorgé son amant dans son sommeil, pour ne pas avoir à affronter son regard – ni à goûter à ses pouvoirs. Son apparence humaine lui a été rendue, ses dons sont demeurés aussi puissants, et son entreprise fleurit sur tous les tableaux. Elle a racheté l’intégralité de la compagnie de taxi de Goichi après sa « disparition » et le réseau
Shizu’cab se développe dans tout Shreveport. Un moyen de transport haut-de-gamme, vert, aussi pratique et instinctif qu’un Uber. Le « clan baku » vend essentiellement ses armes dans Stoner Hill, mais ses services de « protection » se répandent dans toute la métropole, y compris chez des personnes fortunées, qui ne s’inquiètent pas de savoir
qui les protège des vampires tant qu’ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Un enquêteur du PASUA a flairé une piste chez les yakuzas, et aurait très bien pu remonter jusqu’à Orihime elle-même, mais l’engeance a pris les devants, et ses dispositions. L’homme a été retrouvé un jour chez lui, tétanisé par la démence et baragouinant des explications inintelligible. Il est mystérieusement décédé à l’hôpital qui l’a accueilli et toutes ses données ont été corrompues. Cette sombre affaire n’aura pas le temps d’être élucidée, car un événement majeur viendra retenir l’attention de toutes les autorités du pays…
Le soir d’Halloween, ce n’est pas tant le sortilège qui a affecté Orihime. Perchée dans son domaine, « l’ouragan » n’affecte pas sa psyché démoniaque. Néanmoins, elle se sent nauséeuse, l’estomac retourné par une rage aussi inexplicable qu’inextinguible. Le malaise s’éternise dans la nuit, avec la sensation qu’on l’appelle. Elle ignore son téléphone qui sonne en boucle, s’assoit à son bureau et ferme les yeux. Lorsqu’elle les rouvre, l’engeance n’est plus chez elle. Elle se trouve au milieu de ce fameux océan noir, qui sert régulièrement de décor à ses rencontres avec le
baku. Cette fois, le ciel est électrisé par un violent orage. Le tapir se matérialise dans un nuage d’ombres ; il est en colère, cela se sent.
Il a osé.
Comment a-t-il pu.
COMMENT ?!-
Je… je ne comprends pas, ose-t-elle dire.
Comment le pourrait-elle ? Le tapir s’efface dans une purée de pois obscure, mais il ne s’en va pas. Sa voix chimérique continue de résonner.
Scox…
Il a percé le voile.
Il a triché.
Il est entré dans votre monde.-
Je ne peux pas aider si tu ne m’expliques pas.T’expliquer ?
Pour cela, tu dois savoir.
Savoir qui tu es vraiment.La forme du brouillard change, se module, grandit, se repend. Au final, il n’y a plus de tapir, mais une ombre bien plus massive. Lorsque se dissipent les ténèbres, la charpente intimidante d’un
oni traditionnel domine Orihime de toute sa taille. Sa peau est rouge, son corps musculeux, son visage figé tel un de ces masques aux yeux pétrifiants et aux longues dents pointus. Sa chevelure est faite d’obscurité, mouvante et intangible. Dans son dos, six grandes paires d’ailes se déploient, parodiant la posture sacrée d’un ange.
Je suis le prince Beleth.
Maître des rêves et des cauchemars.
Toi, belle enfant,
Tu es moi.
Tu es ma fille.Epilogue : Royaume de cauchemars • 35-37 ans (2019-2021)
Ça a été la dernière pièce du puzzle. Celle qui lui a permis de tout comprendre, de tout mettre en perspective. Elle n’a jamais été
comme les autres, elle a toujours été prédestinée à ça. Cette soif de conquête, cette soif de domination. Régner par la peur, être respectée, être crainte, tenir la vie et la mort dans sa main.
La crise de 2019 lui a bien servi. Dès qu’elle a pu remettre de l’ordre dans ses effectifs affectés par les hantises du prince Scox, Orihime a lancé une nouvelle initiative : un commerce de sang. Nombreux sont les vampires qui n’apprécient pas le Tru blood et les tensions montantes envers les CESS nuisent à la « chasse ». Certains n’ont pas l’envie, ni le goût, de se fatiguer à trouver des proies consentantes. L’engeance a donc lancé un chantier, installé dans le no man’s land au nord de la ville. En surface, la société écran montée au nom d’un de ses lieutenants de l’ombre souhaite monter un nouvel hôpital, spécialisé dans la prise en charge des CESS. En sous-sol, le projet est une sorte de « ferme de sang », où des humains seraient pompés régulièrement, pour permettre la mise sur le marché noir d’une nourriture de meilleure qualité pour les vampires.
En parallèle, la Orihime Hasegawa qui vit dans la lumière fait un don généreux à EdenCare pour la reconstruction de l’hôpital détruit par « l’ouragan ». Voici donc où elle en est au crépuscule de 2021 : une femme d’affaire et une créature de l’ombre. Un monstre sur tous les plans, forgée par la terreur, la souffrance et la mort.
Votre pire cauchemar.