Someone with nothing to lose can take everything that you have [TERMINÉE]

BIOMai 1800 – Campagne de Southampton, Angleterre

Nos souffles se mêlent encore, alors que l’extase coupable se dissipe lentement dans un silence assourdissant. Je crois que les domestiques n’ont rien entendu – j’espère qu’ils n’ont rien entendu. Car dans ce petit bureau aux bibliothèques vertigineuses et aux tapisseries brodés d’argent, je viens de fauter. Mon regard embué croise celui de mon ami – mon amant –, qui me dévore des yeux. Je perds la tête. François Lavandier est plus jeune que moi, benjamin aventureux d’un baron français en visite dans les ramifications britanniques de sa famille. Celle de mon mari.

Car je suis mariée, depuis des années maintenant. Arthur Blackstone, duc mineur affilié aux grandes familles de Southampton, m’a passé la bague aux doigts en lavant du même coup les dettes effroyables laissées par mes défunts parents. Des comtes ruinés par de mauvais choix, ayant supporté les mauvaises personnes lors des soulèvement irlandais pro-indépendance, à la fin du siècle passé. Et malgré cette union salvatrice et la sincère attention de mon époux à mon égard, j’ai toujours trouvé quelque chose de captivant, de fascinant et… d’irrésistible à son lointain neveu de 20 ans.  

Dans ses yeux, peut-être. Dans son charisme, dans sa voix. Depuis deux ans et notre première rencontre, nous échangions par correspondance secrète. Il me racontait ses ambitions, ses projets, ses voyages. A l’heure où il devrait se trouver compagne, il arpente régulièrement l’Europe, accompagnant le fantasque Louis De Lange, le « baron absent » comme beaucoup se plaise à l’appeler. Cela pour sa discrétion légendaire, la rareté de ses apparitions mondaines et la quasi impossibilité d'entrer dans son cercle proche. Sauf pour François, visiblement.

Et aujourd’hui, le jeune homme est là. Arthur est sorti, appelé par sa vocation altruiste, qui le pousse à soutenir les débats sociaux d’une Angleterre qui se transforme. François a prétexté venir en avance pour voir la magnifique serre de notre jardin, mais… ça nous a échappé. Je ne sais plus quand, ni comment, je me suis perdu dans ses yeux mordorés étincelants de la fougue toute-puissante du bel âge. Je dois être pour lui un trophée, je ne doute pas que sa vie fleurant la frivolité ne trouve plaisir dans les bras d’autres conquêtes. Mais je suis idiote, je m’en fiche.


Septembre 1810 – Campagne de Southampton, Angleterre

Aujourd’hui, j’ai 32 ans. Le ciel m’a béni de deux filles et m’a arraché un garçon en chemin, assassiné par l’effort même de la naissance, l’année précédente. Je me souviens de ce jour ; la lumière crue de l’hiver qui bombardait la chambre et la poudre à canon qui a explosé mes entrailles. J’ai sombré dans ce que les médecins appelaient la « mélancolie », scotchée comme un vilain nuage de pluie au firmament de ma vie. On m’a prescrit du chloral, substance prisée à l’époque pour les maux de l’esprit. Il me plonge dans des états de semi-coma qui me font oublier la souffrance qui me hante. Ça ne dure jamais, et l’atterrissage est chaque fois plus douloureux. Mais c’est ça ou l’asile, et Arthur refuse de m’abandonner.

Mes filles non plus. Hailey et Elizabeth m’ont gardé à flot. Elles ont aujourd’hui 4 et 7 ans, espiègles et intelligentes. « Trop intelligente » comme soupire parfois leur dame de chambre, le monde n’a pas de place pour les femmes malignes, et c’est probablement vrai. Mais Arthur et son anticonformisme maladif les gave de livres et de politique.

Pour m’aider à remonter la pente, j’occupe mes journées à aider en ville. Les évolutions industrielles déstabilisent Southampton, la crise de l’emploi créé la misère et les dispensaires charitables des plus démunis sont saturés. Influencée par l’altruisme de mon époux, je donne de mon temps pour que les galères des autres soient moins pénibles. Peut-être aussi pour tromper l’ennui. Car dans l’oisiveté de mes pensées se terrent les souvenirs d’Adam, mort avant d’avoir connu la vie.

J’ai revu François aussi, à chacun de ses passages en Angleterre. Il ne s’est pas rangé, il s’épanouit bien trop avec le duc absent. Tous les jours, je me promets de lui résister, je m’enhardis de cette résolution pieuse, destinée à préserver mon mariage. Mais dès que je le vois, je cède. Toujours. Comme s’il m’aimantait, un magnétisme irrésistible, coupable, délicieux. Avec lui, je m’amourache comme une de ces stupides adolescentes qui n’ont pas encore appris que l’engagement et les sentiments n’ont rien à voir ; même si moi, j’ai la chance d’aimer Arthur. François, c’est différent. Il est dans ma peau, il habite mon esprit. Une fois, j’ai pensé que je pourrais me saigner pour lui. C’était tellement soudain, tellement absurde, tellement violent, que je lui en ai parlé. Il a ri, puis il m’a dit ce truc mystérieux que je n’ai pas compris tout de suite :

« Ne dis pas ça. Un jour, je pourrais te prendre au mot. »

Après ce jour, il ne m’a plus jamais écrit. Et il n’est pas revenu.


Janvier 1816 – Campagne de Southampton, Angleterre

Arthur est décédé. Le typhus l’a emporté, balayé même. La maladie ronge les strates miséreuses de la société anglaise et à trop plonger dans la foule, il est mort de leurs maux. J’y ai échappé par chance, j’imagine. Plus que le deuil lui-même, j’ai été bouleversée par le chagrin de mes filles. Les pleurs de Hailey ont duré trois jours, intarissables, déchirants. Ceux d’Elizabeth ont duré trois minutes, puis elle s’est murée dans un silence terrifiant pendant des semaines. La dépression est revenue, comme une mauvaise manie. Assommée que j’étais par la succession,  la fortune, les terres à gérer, je me suis vue comme de l’extérieur. Un automate décoloré, un épouvantail pris dans la tempête. Le chloral comme échappatoire, à nouveau, sans aucun moyen de savoir à ce moment les dommages irréversible que je causais à mon cerveau.

J’étais tellement désespérée que j’ai jeté ma fierté au feu, et j’ai écrit une longue lettre à François. Je n’avais aucune idée de ce qu’il était devenu depuis ces six ans et mes cinq correspondances inquiètes laissées sans réponse. J’ai ouvert mon cœur, déballé mes états d’âme, je me suis mise à nue comme l’être vulnérable que j’étais. Je lui racontais la maladie, la souffrance, le décès, le chagrin, la paperasse administrative, Adam, la déprime, mes envies de mourir à mon tour, écrasée par ma propre peine. Et j’ai dit qu’il me manquait.

Un mois plus tard, il était là.


Février 1816 – Campagne de Southampton, Angleterre

Je suis tombé dans ses bras, avec trop peu de retenu. Il est pâle, froid, j’accuse l’hiver et ses bourrasques glaciales. Il m’a tenu jusqu’à ce que je le lâche, puis il m’a guidé dans ma chambre. Ses yeux sont plus hypnotiques que jamais. Je suis au fond d’un gouffre de tristesse, mais je ne peux m’empêcher de sentir ma peau se hérisser. La chair se souvient des ébats passionnels, les souvenirs font le reste.

François m’allonge et me borde comme une enfant. Il me dit que « ça va aller », je pleure encore. Tout se mélange dans ma tête : Adam, Arthur, les filles et le poids de ce quotidien qui m’écrase. La lumière de ses prunelles est différente de d’habitude, je le vois à ce moment. Une excitation nouvelle, qui m’intimide et l’intrigue.

« Est-ce que tu veux que ça s’arrête ? Que tu n’aies plus à souffrir, que ta vie change pour toujours. »

Et j’ai fait une bêtise.

J’ai accepté.
C’est flou dans ma mémoire. Je me souviens de la douleur dans mon cou, de la tête qui me tourne à mesure que le sang quitte mon corps. Je tombe, je tombe. Jusqu’à ce que les pensées s’effacent et que les cauchemars s’étiolent. Avant de sombrer, je distingue une ombre au-dessus de moi. Un homme que je ne connais pas.


Mon réveil par contre, je ne l’oublierai jamais. Une souffrance atroce, la gorge sèche, l’impression que chacune de mes fibres est en feu. Un râle méconnaissable m’échappe alors que je m’extirpe de mes draps. Une voix me parle, résonne directement dans ma tête, mais je ne comprends rien. J’ai faim. Une faim inexplicable et inextinguible. Des mains étreignent mon visage, deux billes de charbon me transperce. J’appendrai plus tard qu’il s’agit du baron absent, qu’il est mon « Sire ». A ce moment, il me rassure d’un timbre de basse profonde. Je ne percute plus rien, l’appétit me rend folle. Il me guide vers deux silhouettes inertes emmaillottées dans des vêtements de soie, visages masqués par leurs cheveux de jais. Je me jette sur elles, maladroitement. Mes canines anormalement hypertrophiées par cette soudain pulsion se plantent dans leur gorge que je charcute par inexpérience. Le sang. Son goût est envoûtant, sucré, mais je n’ai pas le temps de le savourer. J’avale, j’avale, j’avale, jusqu’à ce que ma proie s’éteigne dans mes bras et que je passe à la seconde. A peine rassasiée, je marque alors une pause, les pensées plus claires. Je reconnais alors ces pyjamas de soie, et ce grain de beauté sur l’oreille. Fébrile, je découvre le visage de mes victimes… et je pousse un hurlement de bête blessée.


« Tu étais malheureuse, je voulais te libérer, t’arracher à ta vie de mortel qui t’ennuie et te fane à petit feu ! Grâce à Louis, c’est possible. Il a accepté de t’intégrer à notre famille ! On pourra rester ensemble, c’est ce que tu voulais, non ? »

Quand il m’a dit ça, ses yeux étaient un peu fou. Fou de possession, de convoitise, comme un gosse à qui on vient d’offrir un jouet.

« Tu me manquais aussi, mais je ne pouvais plus venir te voir au risque de faire une bêtise. Maintenant,  c’est fini tout ça. Tu vas découvrir le monde avec mes yeux et tu verras, tout sera mieux. »

Et pour cela, François m’a fait tué mes filles. Mes propres filles. Je savais que Dieu me punirait un jour de mes péchés, de cet adultère éhonté sous le nez de mon mari. Un homme aimant, dévoué, respectueux, que j’avais eu la chance de connaître. Je me repens désormais. Pour ce plaisir coupable, pour cette faiblesse humaine. Mais c’est trop tard. François et Louis m’ont déracinée, je n’ai d’autre choix que de les suivre.


Juillet 1901 – Massif central, France

La haine ne m’a jamais quittée.
La haine m’a aidé à survivre.
La haine m’a rendue cinglée.

J’ai rejoint Louis De Lange et son clan, une caste fragilisée par les traques musclées d’un groupuscule de chasseurs. Voilà pourquoi il m’a transformée : non pas seulement pour accéder au caprice de François, mais parce qu’il a besoin de soldats, et que j’étais une âme désespérée facilement corruptible. Et désormais, de par son statut vis-à-vis de moi, je ne peux résister à ses ordres directs.

Toutes ces années, pendant lesquelles j’étais formées, j’étais prise dans une toile qui me broyait les intestins. Je rêvais de me venger, de muer mon chagrin en colère suffisamment puissante pour tuer mon ex-amant de mes mains. Mais en même temps, il exerçait toujours sur moi une fascination hypnotique. J’ai eu le temps de comprendre qu’à l’époque, il était Marqué depuis longtemps, ce qui expliquait son charisme irrésistible. Ma faute n’en est pas moins lourde.

Toutes ces années, j’ai tué pour le clan De Lange. J’ai protégé les miens contre nos ennemis humains, trop enragée pour accepter de me faire assassiner. Pas maintenant, pas comme ça. Et cette nuit, j’agis.

Dans le manoir qui nous sert de demeure commune, je me suis tapis dans les ombres, et j’ai attendu. Beaucoup sont de sortie, ils ne renteront que tard, mais je connais les habitudes de François. Je sais quand il reviendra, je sais par où il passera. Mon plan est prêt. Gants de cuir, dague en argent.

Et le voilà.

Je jaillis dès qu’il passe la porte du corridor, dans son dos, et surine à plusieurs reprises, le long de sa colonne vertébrale. Des coups nets, vifs. Pour faire bonne mesure, je l’égorge et le jette à mes pieds. Son sang m’a éclaboussé le visage. Il sent bon, il est chaud.

Chaud ?

Saisie d’un vent de panique, je retourne ma victime et comprend mon erreur avec horreur : le travail de vicissitude encore approximatif sur le visage de son Marqué préféré, Tom. La ressemblance est grossière, maintenant que j’y fais attention ; il m'a berné ! Et je pivote trop tard en entendant un bruissement dans mon dos. Le choc qui me cueille en plein visage manque de me le fracturer et me projette en arrière.

« Je savais que tu finirais par essayer… », il a l’air sincèrement déçu, « pourquoi Myrtle ? Grâce à moi, tu as eu ce que tu voulais ! »
« Tu as tué mes filles… »
« Tu restes bloquée là-dessus, tu ne comprends rien ! Les liens familiaux, l’affection filiale, c’est tellement humain, ça ne concerne pas les gens comme nous ! Détache-toi de tout ça, on est au-dessus de ces conneries. C’est le seul moyen pour que tu arrêtes de souffrir. Le seul ! »

A ce moment, j’ai vrillé. Je me suis jetée sur lui, comme une furie. Il n’a qu’une paire d’année d’Etreinte en plus que moi, mais a toujours été le plus fort de nous deux. Qu’importe, la colère me galvanise. Je le frappe, je le griffe, je le mords, de toute ma haine. Il me rend coup pour coup, plus habile en la matière. Je reprends de la distance, je trébuche, récupère ma dague et repars à l’assaut. D’un geste, il bloque mon bras et le brise. Je hurle. Il attrape alors mon crâne et l’envoie heurter l’un des murs de pierre du manoir.

Craquement.
Trou noir.


Je me réveille attachée par une de ces camisoles de sanatorium, allongée dans un caveaux qui empeste la poussière et la moisissure. Je reconnais l’odeur des caves, je sais ce qui s’y passe. Je panique.

« Nononononon… »
« Tu n’aurais pas dû faire ça », gronde la voix de Louis, « et la seule raison pour laquelle je ne te tue pas sur le champ, c’est parce qu’il me l’a demandé. »

Je regarde François, juste à côté de notre maitre. La tête basse, l’air navré, dépité. A croire que la faute vient de moi. Je rêve, non ?

« Tuez-moi, je préfère ! »
« Non. Ce serait bien trop rapide. Je te condamne quelques années. A ton retour parmi nous, on réévaluera ta place dans le clan. »
« NON !»

Le pieu s’est planté si vite dans mon cœur que je n’ai rien senti. Après ça, ma conscience s’est éteinte.


Décembre 1911 – Massif central, France

Camille. C’est le nom de la jeune femme qui m’a fait revenir à moi. Une Marquée, qui m’a mis deux calice à disposition pour me remettre de mon état de torpeur forcée, et de mes blessures. Elle m’a alors expliqué que le clan a quitté le manoir, c’est pour ça que mon réveil a été autorisé. Les derniers membres partiront le lendemain pour de nouvelles terres, plus proche de Paris et d’une branche influente des Lanuit. Je ne suis pas la bienvenue, évidemment, mais je peux toujours tenter de les retrouver si je n’ai pas peur d’être écorchée vive. Ce sont ses mots. François, lui, m’a laissé un simple mot.

« Sache que je t’aime, Myrtle. A ma manière à moi, mais je t’aime quand même, plus que tout. On se reverra. »


Jusqu’en 1943 – Paris, France

Je n’ai pas cherché à retrouver François et Louis, mais ça viendra. Je sens où est mon maître : il a récemment traversé l’Atlantique, direction la Nouvelle-Orléans. Probablement pour rejoindre le noyau des Lanuit exporté aux Etats-Unis. Toutes ces décennies, je suis restée renégat. Dans les années 30, une arcaniste avec qui j’ai partagé un logis reculé – sur une base de protection réciproque – m'a appris que la difformité de mes canines serait dû à la présence de thérianthrope dans mon arbre généalogique. Le sang surnaturel mêlé et dilué dans la plus banale des humanités n’a transmis aucune propriété extraordinaire, mais le vitae qui m’a éveillée a provoqué cette drôle de mutation.

Les guerres humaines qui ravagent l’Europe ont été du pain béni pour chasser mes proies sans faire grand bruit. Je suis toujours poussée par l’envie de vengeance, comme un poison qui me sert de carburant. Je sais qu’un jour, d’une manière ou d’une autre, je viendrai réclamer mon dû.

C’est au cours de mes pérégrinations alimentaires que j’ai croisé la route d’Alienor Bellovaque. Vampire impressionnante, retorse, à la fougue communicative. Je suppose que c’est à cause de ce qu’elle a senti en moi qu’elle m’a fait part d’un choix simple : l’aider dans son entreprise pour faire bouger les lignes, lui vouer allégeance, ou continuer à me nourrir de fantassins usés jusqu'à la corde.

Je ne sais pas si j’ai été ensorcelée par son charisme, si ma haine s’est muée en une volonté brûlante de destruction ou si je vois ce dessein comme une étape pour nuire aux traditionnels Lanuit – et donc à mon sire et son Infant préféré – mais… j’ai accepté sans hésiter.


Année 1971 – L’exil

Le clan des catacombes est défait. La souveraine déchue est poussée à l’exil, loin de la France, loin de l’Europe. Je fais partie des fidèles qui restent, qui bravent l’océan avec elle pour partir à l’assaut des Etats-Unis. Aliénor se fait oublier, et moi avec. Ça m’arrange bien. Elle m’imprègne avec les années, me sert de modèle, parfait ce que Louis avait commencé. Il avait fait de moi une guerrière, prête à combattre pour sa race, Aliénor m’apprend à devenir stratège. Elle musèle mes accès de rage et mes envies de violence, elle nourrit ma patience. Mon aspiration peut s’inclure dans la sienne, il faut juste procéder par étape. Le temps, les immortels n’en manquent pas, et avoir un but m’aide à supporter la ronde incessante des années.

Et avec le temps, je vois sous les apparats lisses et altiers. Sous certains aspects, elle me ressemble. Elle aussi, est au bord d’un précipice ; permanemment aux portes de la démence. Funambule experte, elle maintient l’équilibre. Mais un jour, clac. Elle dansera sur des corps, j’en suis certaine.

La France dans le dos, un pays bien plus vaste s’offre à nous ; et pourtant terriblement fini pour des êtres tels que nous. Je découvre d’autres entités, d’autres créatures, d’autres cultes, d’autres croyances, d’autres saveurs. J’ai arrêté de compter les victimes, légitimes ou non, de ma soif ou de ma colère. Ça m’a joué des tours, comme cette nuit d’automne de 1991, où un garou ursidé m’a littéralement éventré. Je dois ma survie à un coup de chance, l’intervention d’alliés en nombre suffisant pour repousser la bête. Mais ce genre d’échec ne m’arrête pas. Le chloral a définitivement ruiné quelque chose dans mon encéphale, qui me pousse à flirter avec la folie.


Avril 2017 – Shreveport, Louisiane, Etats-Unis

Emménager dans l’épicentre du monde surnaturel depuis la Révélation n’est peut-être pas l’idée la plus lumineuse : les mortels n’ont pas attendu cet événement pour nous traquer. Aujourd’hui, c’est comme avoir démultiplié nos détracteurs potentiels en se mettant une cible sur le front. Qu’importe. Je sens que Louis est là, alors François est certainement dans les parages.

Une nuit de printemps, je m’aventure dans les bois de Mooringsport pour en tester les limites et évaluer les parcelles qui ne sont pas protégées par le triangle de Foi. C’est ainsi qu’ils me sont tombés dessus. Quatre gaillards si jeunes qu'ils ont encore du duvet en guise de moustaches ; trop malhabiles pour me surprendre, mais que je les ai laissé approché par défi. Je suis au courant que parfois, certains des nôtres – et d’autres CESS – sont retrouvés gravement mutilés, ou morts. L’œuvre de ce genre de croquemitaines nocturnes j’imagine. Des monstres pour enfant, et je suis adulte depuis trop longtemps.

« Vous n’êtes pas obligés de faire ça », que je prétends en espérant qu’ils le fassent.

Et ça ne tarde pas. Le premier s’élance, batte de baseball cloutée en main. Trop lent. Je stoppe le coup net et son « arme » reste verrouillée dans ma poigne. D'un geste brusque, je la lui arrache et la jette dans un fourrée. Ensuite, je déploie mon influence aliénante sur lui et l’un de ses pairs. J’exalte leur émotion actuelle. La colère. Et je suis bien placée pour savoir qu’elle rend aveugle.

Le premier pousse un cri animal et tente un crochet que je pare d’un geste vif. Riposte immédiat, je cogne sèchement l’articulation du bras. Le coude se retourne dans un craquement sinistre. Il n’a pas le temps d’éructer que mon poing pulvérise sa cage thoracique et l’éjecte à plusieurs mètres de là. Fou d’une rage surnaturelle, son acolyte se rue sur moi en oubliant toute forme de prudence. Sa lame en argent est maniée grossièrement, inoffensive. Je bloque, désarme, et mes quatre crocs déchirent la chair de sa gorge avec brutalité.  

Une vive douleur me sort de mon instant de délice. Un carreau en bois vient de se ficher au travers de mon bras. Ces gamins sont visiblement équipés, faute d’être expérimentés. Mais la nuit est mon domaine. Les ténèbres avalent la maigre clarté sélène qui pénètre dans cette forêt, et je disparais dans l’obscurité impénétrable. Impossible pour eux, simples mortels, de me voir venir. Je surgis furtivement pour égorger le tireur, lacérant sa jugulaire d’un seul coup mortel. Je bois à grande lampée, je ne savoure même pas, avant de m’enténébrer à nouveau dans mon voile mystique.

Le dernier est toujours le plus malchanceux. C’est celui sur lequel j’ai le temps de décharger ma colère, qui encaisse la rage séculaire qui dort sous ma peau d’albâtre. Lorsque je cesse de m’acharner, il est désarticulé et méconnaissable. Mâchoire brisée, os broyés, peau écharpée. Je contemple le résultat désormais, et il me laisse indifférent. J’extrais de mon bras le projectile qui le transperce et m’éclipse rapidement. Je ne reviendrai plus ici sans bonne raison ; jouer avec le feu ne vaut pas de provoquer un conflit inutile avec des anti. 


Samain 2019 – Shreveport, Louisiane, Etats-Unis

A la base, je suis venu pour l’un de mes « travails ». Une telle fête a besoin de couverture et les médias sont toujours friands de reportage sur les coutumes des surnaturels. J’étais aux premières loges, appareil photo en main, pour immortaliser ce grand moment d’Artemis Edwards. Et puis il y a eu l’attentat.

La hantise a éveillé chez moi des souvenirs enfouis, refoulés, enterrés sous des couches de haine et de rancœur. Adam. Arthur. Le traitement au chloral. Mes filles. Les digues en lâché, tout a volé en éclat. Lorsque j’ai repris conscience, j’étais à plusieurs centaines de mètres de la cérémonie, couverte de sang des pieds à la tête. Le parfum, ordinairement si ravissant, m’a donné la nausée. Sous mes ongles, des lambeaux de chairs ; victimes que j’ai éviscéré à mains nues. Un véritable charnier laissé dans le sillage de ma folie passagère. Une démence endormie, exposée au grand jour.

Je suis rentrée, je me suis lavée, je me suis plongée en Torpeur pendant un mois. Pour oublier. En me réveillant, je me suis jeté sur mon Marqué de l’époque et je l’ai tué. Exsanguination totale. Un repas nécessaire et cathartique. J’en veux aux arcanistes. A mort. Cet épisode me renvoie au monstre que Louis et François ont fait de moi, dès les premiers instants. Et plus que jamais, pour garder le cap, j’ai eu besoin d’Aliénor.


Juillet 2020 – Shreveport, Louisiane, Etats-Unis

J’ai massacré pour Aliénor et son ambition. Notre ambition. Ce plan qu’elle mijotait depuis 2018 et les retrouvailles. Une vague qui a déferlé sur le motel privé de maître, océan carmin qui se répand autour de celle qu’on appelle la reine folle. Sa reine.

La saveur du sang des Arcanistes me restent sur la langue comme un met qui mérite d’être remémoré. Une douce vengeance, aussi, soit-elle indirecte. Le clan du chaos naît, et avec lui, je me rapproche de mon objectif ultime. Quant à Louis et François, je sais qu’ils sont en ville aussi – et je sais qu’ils savent que je le suis également. Une nuit, je suis d'ailleurs persuadée d’avoir été suivie par mon ex-amant. Mais selon les plans de la maîtresse de mon clan, je ne ferai rien de condamnable pour l’instant. Mais François a raison…

On se reverra.  


Octobre 2021 – Shreveport, Louisiane, Etats-Unis

Je me demandais quand ce jour arriverait. Quand je trouverais Louis Lanuit, ex De Lange, dans mon salon. Il n’a pas vraiment changé, si ce n’est qu’il a troqué ses habits du XIXè contre un élégant trois-pièce moderne. Moi, j’ai pris la voie jean et blouson en cuir, chacun sa manière de se fondre dans le décor.

« Tu fais une erreur en t’alliant à elle. »

Dès la première syllabe, j’ai détesté sa pseudo préoccupation gorgée de paternalisme. Et je ne suis plus néophyte, et encore moi nouvelle-née. Son emprise s’est dissoute dans les affres du temps, et je me sens capable de lui tenir tête, même si c’est un jeu dangereux.

« Pourquoi, parce que vous avez peur ? »

Sourire sans joie.

« Tu sais que ce n’est pas vrai et que nous pourrions anéantir votre clan d’anarchiste, si l’Essaim l’autorisait. »
« J’ai hâte de vous voir essayer. »

Je provoque, effrontée. Il me manque une case, de toute façon. A cause de lui et de son chouchou.

« Myrtle, François t’a pardonné et les années m’ont aidé à prendre du recul. Je veux te donner une chance, je peux défendre ton inclusion dans notre clan. Tu n’aurais qu’une chose à faire pour nous, avec notre protection. »

A mon tour de sourire, sincèrement amusée cette fois. Et pour l’effet, j’ai dégainé mes quatre crocs hypertrophiés. L’Infant montre les dents, oui.

« Vous devez être sacrément désespérés pour venir me démarcher, moi. »
« Je voudrais épargner à une de mes Infants une énorme erreur de jeunesse. Je sais ce que tu ressens, je suis passé par là. Et quoiqu’il se soit passé entre nous, on reste lié, pour toujours. »
« Ou jusqu’à ce que je t’arrache le cœur. »  

Un silence tendu nous sépare, jusqu’à ce que Louis capitule d’un soupir.

« L’offre n’a pas encore expiré. Tu sais comment me joindre, si tu changes d’avis. »

Bien sûr, leurs esprits sont liés pour l'éternité.

Le premier mot qui m'est venu en tête après avoir lu cette fiche, c'est : maîtrise. Tu savais exactement où aller avec le personnage de Myrtle, et ça s'est senti, dans chacune des grandes étapes de son existence. Je tiens à saluer tout particulièrement l'effort que tu as fait, tant au niveau de la lecture des annexes que pour t'imprégner au mieux du background général et des différentes intrigues. Tu as été très réactif, tu as su t'emparer du lore avec une grande implication, et ce n'est pas quelque chose que les nouveaux membres ont tous tendance à faire. On adore ceux qui osent vraiment s'intégrer dans les trames existantes, et tu as vraiment bien fait. J'ai été marqué par la solidité de Myrtle, par son "réalisme", dans la façon dont elle interagit et se pense en tant que vampire. Elle cultive cette ambivalence typiquement immortelle, entre une créature sans âme et sans pitié et à la fois rongée par un tourment intérieur qu'elle expie comme elle le peut. L'avatar colle lui aussi franchement bien au personnage. J'ai apprécié certaines de tes tournures de phrases et autres images très à-propos et inventives, ton style promet quelques pépites ! Pour moi, c'est un sans faute, et c'est donc sans suspense que je t'ouvre les portes du jeu. Amuse-toi bien, bon retour parmi nous et à très bientôt en RP !

Voilà, tu es officiellement dans la famille et ça implique de grandes responsabilités mais aussi beaucoup de fun. (Mais pas trop, Eoghan risque de le tuer.) Bref, tu as maintenant accès à tout le forum, ce qui veut dire que tu peux créer ta fiche de liens pour te faire plein d'amis ! Tu peux aussi nous tenir au courant des avancées de ton personnage dans un carnet d'évolution, mais c'est facultatif. Si tu es pressé d'écrire et que tu n'as pas encore de partenaires, n'hésite pas à poster dans les demandes de RP ou à te lancer dans l'aventure du fil rp ! Et si tu te sens seul, tu peux lancer ton propre scénario ou créer des pré-liens. Tu as sûrement constaté que nous avons un système de points sur AA, nous t'invitons à découvrir comment en gagner et surtout, comment les dépenser.
D'ailleurs, si tu as pris un prédéfini ou un scénario comme personnage, tu peux d'ores et déjà réclamer tes premiers points dans Collecter vos points.

Si tu as des questions, le staff est toujours à ta disposition pour y répondre. Et si tu veux un aperçu de la bonne humeur (pour ne pas dire folie) de nos membres, n'hésite pas à venir voir sur la CB ou à participer au flood ! Mais si on te fait un peu peur, n'hésite pas à demander l'aide d'un parrain ou d'une marraine pour t'intégrer. Ce sont des membres dévoués aux nouveaux !

Tout le staff d'Ashes Arise te souhaite donc la bienvenue dans ses rangs et à très vite pour les prochaines aventures !